Faut-il mettre toutes les forces de la nature au service de l’homme ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du lycée Blaise Pascal de Clermont ferrand. Cette copie a été notée 14/20. Le commentaire du professeur est : Des qualités de réflexion...

Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

Cette copie a été notée : 14 / 20

Commentaire du professeur : Des qualités de réflexion...


Untitled Document A priori, il nous semble évident qu’il faille mettre toutes les forces de la nature au service de l’homme, aussi bien pour garantir sa survie que son bien-être personnel. Cependant, l ’on ne peut nier la dangerosité de cette toute puissance lorsque l’on analyse toutes les catastrophes naturelles causées par l’homme (drames de Tchernobyl, de l’Erika…). Aussi l’on peut être amené à se demander s’il est légitime que l’homme exerce sa toute-puissance envers la nature dans son ensemble, en d’autres termes : Faut-il mettre toutes les forces de la nature au service de l’homme ? Dans cette réflexion, nous tenterons de répondre à cette question, et pour cela, nous essaierons de définir un statut à l’homme par rapport à la nature, c’est-à-dire de trouver sa place, son rôle dans la nature.

Il nous paraît évident que l’homme ne peut vivre sans utiliser la nature, et cela parce qu’il a des besoins vitaux qu’il ne peut satisfaire qu’en utilisant les forces de la nature. Ces besoins sont d’ordre alimentaire par exemple… et il paraîtrait aberrant de refuser cette aide de la nature et ainsi de se laisser dépérir uniquement pour ne pas utiliser les forces de la nature. " La Genèse ", extraite de " La Bible ", justifie d’ailleurs cette utilisation de la nature par l’essence même de l’être humain : Dieu créa l’homme à son image, à sa ressemblance, et cela dans le but qu’il domine " les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages, et toutes les bestioles qui rampent sur terre ", c’est-à-dire qu’il domine la faune dans son ensemble, et cela ne peut être que bon puisque l’homme est crée à l’image de Dieu, un être bon par définition : il n’y a dans cette philosophie aucun risque de destruction ni de perversion de la nature.
La grandeur de l’homme n’a pas seulement été énoncée dans " La Bible ", mais aussi par des auteurs non chrétiens, comme Sophocle par exemple, dans sa version d’ " Antigone ", dans laquelle il écrit : " Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme. ". Sophocle établit également la supériorité de l’être humain par rapport aux éléments, supériorité légitime car lui seul "peut prendre (…) la route du mal tout comme du bien ". L’homme étant doué de raison, l’on ne voit pas pourquoi il ne pourrait jouir à sa guise de toutes les forces de la nature. Cependant, il est vrai qu’actuellement l’homme ne domine pas entièrement la nature, qu’il ne peut, par exemple, stopper la dérive des continents, ni arrêter un volcan en éruption. S’il domine les animaux, peut-on dire de l’homme qu’il domine les éléments ?
Actuellement, l’homme ne contrôle pas les éléments, mais pourquoi ne pas réaliser ce projet ? Descartes, dans le " Discours de la méthode " suggère de réaliser des progrès en matière de la connaissance de la " force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres " afin que nous puissions être les " maîtres et possesseurs de la nature ". L’homme étant doué de raison, il est donc capable d’être son libre-arbitre, il est responsable de ses actes, responsabilité exaltée par le courant philosophique existentialiste, et ainsi l’on ne voit pas pourquoi interdire à l’homme d’utiliser toutes ou quelques forces de la nature.
Par ailleurs, l’homme pris seul comme individu dans la nature, à l’image de Robinson Crusoé dans " Vendredi ou les limbes du Pacifique " de Michel Tournier, semble tout à fait capable d’apprivoiser les éléments, d’utiliser toutes les forces de la nature à sa disposition pour sa survie et son épanouissement personnel, et cela sans la pervertir ni la détruire : il cultive les terres, élève les animaux… tout en gardant un profond respect pour son île, Speranza, qu’il considère et respecte comme un être à part entière : tantôt sa mère, tantôt sa femme…
L’homme peut par ailleurs se servir des forces de la nature pour améliorer la nature, l ’embellir. C’est notamment le cas après chacune des catastrophes naturelles contemporaines : grâce au nucléaire, à l’énergie électrique, les séquelles de la tempête de décembre 1999 ont pu être effacées dans les forêts par exemple. L’homme est donc capable d’utiliser les forces de la nature pour la nature elle-même. Par ailleurs, il est vrai que l’homme a une fonction fondamentale pour la nature : il lui donne un sens. En effet, sans présence humaine, l’existence du pétrole ou d’autres ressources brutes serait vide de sens et de finalité. De tout cela on déduit que l’homme donne un sens et une finalité aux forces de la nature qui seraient absurdes sans sa présence, mais il cherche par ailleurs à préserver cette nature, et pour cela il lutte contre la pollution… et l’on ne peut qu’admettre que dans les phénomènes de réchauffement de la planète… l’homme ne fait qu’accélérer un processus déjà existant avant son apparition.

Si à première vue l’on ne trouve pas d’utilité à la limitation des pouvoirs humains sur l’utilisation des forces de la nature, l’on ne peut nier que les hommes ont parfois causé des catastrophes dues à une mauvaise maîtrise des forces de la nature.

Par son essence même, l’homme est imparfait, et même si nous supposons qu’il a été crée à l’image de Dieu, cela ne signifie pas qu ’il soit Dieu. Puisqu’il est imparfait, l’on ne peut éviter qu’il commette des erreurs, erreurs qui pourraient prendre des proportions gigantesques s’il disposait de toutes les forces de la nature et dont on peut en deviner l’ampleur grâce à la puissance de la bombe atomique par exemple, ou toute autre force que l’on saurait extraire à partir d’une réalité physique (les interactions entre les atomes pour la bombe atomique) et donc appartenant par définition à la nature.
Donner toutes les forces de la nature pour le service de l’être humain serait donc une menace permanente d’abus inévitables. Par ailleurs, le problème de l’avenir s’impose ici puisque si nous utilisons toutes les forces de la nature pour notre propre intérêt aujourd’hui, l’on peut se demander à quoi ressemblera notre planète dans quelques siècles. Augustin Cournot pose cette question dans ses " Doctrines Economiques " et affirme que supposer que dans quelques siècles, l’on aura certainement plus besoin de pétrole pour se déplacer ou pour se chauffer n’est pas un argument justifiant la consommation totale de ressources. Il apparaît donc ici que même si limiter nos demandes est difficile, cela est nécessaire : il ne faut pas, dans cette optique, mettre toutes les forces de la nature au service de l’homme, ou du moins, il ne faut pas toutes les consommer pour notre seul intérêt immédiat.
L’on ne peut nier que toutes les conséquences que peut avoir l’utilisation humaine de toutes les forces de la nature ne peuvent être que néfastes pour cette nature. En effet, quel peut être l’intérêt pour notre planète de nous livrer toutes ses tonnes de pétrole brut, si ce n’est d’arriver dans quelques décennies ou dans quelques siècles à épuisement ? Cette toute puissance de l’être humain sur la nature ne peut aboutir qu’à l’épuisement des ressources, la destruction ou la pollution. La conclusion évidente d’un tel argument est qu’il ne faut pas mettre toutes les forces de la nature au service de l’homme.
De plus, une nouvelle difficulté intervient : il s’agit de l’introduction de la notion de droit. Nous utilisons les forces de la nature (nucléaire…) pour notre confort : c’est un état de faits, mais est-ce un état de droit ? Avons-nous le droit de disposer de la nature comme nous le souhaitons ?

Dans ces deux premières parties, il apparaît un paradoxe : non seulement l’homme a un besoin vital des forces de la nature, mais en plus, il ne paraît pas capable de maîtriser la puissance de toutes les forces de la nature. Les deux différentes positions développées correspondent en réalité à deux différentes conceptions de la nature : le naturalisme conservateur d’une part, et d’autre part, le naturalisme révolutionnaire, tous deux évoqués par Clément Rosset dans son œuvre l’ " anti-nature ". Le naturalisme révolutionnaire correspond à la première partie de notre argumentation, et est autrement appelé mystique de la répression. Cette théorie suppose que la véritable nature des choses n’est pas encore parvenue à éclosion à cause d’obstacles constituant la répression , répression qui cherche à vaincre la révolution en question. Cette révolution propose de remettre les choses dans l’ordre, en brisant une résistance qui fait artificiellement obstacle au développement naturel de l’humanité. Dans cette conception, il nous paraît évident que puisque la nature n’est pas encore parvenue à éclosion, l’homme ne brisera pas un idéal en utilisant les forces de la nature pour ses propres fins.
Au contraire, dans la seconde partie de notre argumentation, nous traitons d’une autre conception du naturalisme : il s’agit du naturalisme conservateur autrement nommé mystique de la falsification. Dans cette conception, la nature des choses a été en quelque sorte donnée une fois pour toutes, et elle se perd progressivement dans le cours de l’histoire. Il est évident que pour une telle théorie, toute modification, toute évolution est inévitablement néfaste. Cette pensée implique donc le refus catégorique de toute intervention humaine en rapport avec les forces de la nature, puisque nos récentes hantises telles que celle de la pollution ou du chimique traduisent en réalité une forme actuelle de naturalisme conservateur.
Si l’on ne peut répondre catégoriquement à la question : " Faut-il mettre toutes les forces de la nature au service de l’homme ? " sans doute est-ce parce que nous ne savons pas définir l’être humain, que nous ne nous accordons pas tous sur son statut : quel est son rôle dans la nature ? Quelle est sa place dans l’univers ?
Dans notre société profondément marquée par la religion chrétienne et donc par " La Bible ", l’on a tendant à considérer l’être humain comme maître tout puissant de la nature , puisque créature de dieu à son image, crée en dernier, avec pour but de dominer la nature : " Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ". Sans cette philosophie, l’être humain se situe au sommet de la nature et puisqu’il la domine, il paraît évident que toutes ses forces doivent être à son service. Cependant, cette théorie est insatisfaisante puisque n’expliquant pas l’irrationalité interne à chaque esprit humain. En d’autres termes, si cette théorie avait été vraie, jamais Auschwitz n’aurait existé.
Une seconde théorie définit l’être humain : il s’agit de la conception scientifique de l’homme. En effet, l’on peut également définir l’homme comme étant uniquement physique et chimique. Nous ne pouvons nier que nous sommes tous biologiquement des " tas de molécules ordonnées ". Dans ce cas, est-il légitime de considérer qu’un tas de molécules ait des droits de domination sur le monde, lui aussi un tas de molécules ? Cette théorie permet de légitimer des limites à l’être humain dans l’utilisation des forces de la nature, cependant, elle aussi est insatisfaisante car incomplète puisque ne prenant pas en compte le caractère raisonnable de l’être humain. En effet, en plus des autres " tas de molécules ", l’homme est lui doué de raison, de pensée… Et comment expliquer scientifiquement qu’un tas de molécules parvienne à penser, à ressentir des émotions ?
Si l’homme n’est ni le maître absolu des éléments, ni uniquement un " tas de molécules ", peut-être est-il seulement un être vivant doué de raison mais appartenant à la nature au même titre que les animaux ou qu’un objet inanimé. Telle était la conception grecque du monde et de l’homme. Cette théorie permet de justifier la limitation des pouvoirs humains sur la nature en posant le problème de sa légitimité : si nous appartenons à la même nature, avons-nous le droit d’en disposer comme nous le souhaitons ? Cette conception du monde et de l’humanité nous permet d’éviter des abus en matière d’utilisation des forces de la nature bien que cette limite soit subjective et donc difficile à définir, et cela même si notre amour-propre accepte difficilement de ne pas être plus important qu’un animal ou un végétal. Finalement, peut-être que le rôle de l’être humain sur terre est de se développer, de s’épanouir au maximum en évitant toute destruction ou toute action néfaste pour l’ensemble de la nature, que nous en fassions partie ou non.

Au travers de cette réflexion, il apparaît une grande dépendance de l’homme vis à vis de la nature. L’homme s ’approprie donc les forces de cette nature pour sa survie mais aussi pour son loisir et c’est là qu’interviennent les difficultés : légitimité de cette appropriation… Seul l’homme peut décider s’il doit se priver ou non de ces forces, et alors qu’il nous semble que les limiter serait préférable, le problème de la subjectivité de cette limitation s’impose à son tour. La réponse au problème est peut-être alors simplement une question de formulation : peut-être faut-il mettre toutes les forces de la nature qui lui sont nécessaires au développement et au bien-être humain en tentant d’éviter tout excès, et non pas mettre aveuglément toutes les forces de la nature au service de l’homme.