La diversité des solutions adoptées et des résultats obtenus par les grands pays industriels dans le contexte économique et monétaire de l’entre-deux guerre (1919-1939)

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée Blaise Pascal de Clermont Ferrand. Cette copie a été noté 14/20. Voici le commentaire du professeur : Beaucoup de travail, des connaissances bien acquises en général, un effort pour définir la problématique.

Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

Cette copie a été notée : 14 / 20

Commentaire du professeur : Beaucoup de travail, des connaissances bien acquises en général, un effort pour définir la problématique.


Untitled Document Au lendemain de la première guerre mondiale, l’Europe est détruite, anéantie… Elle a perdu sa place de leader du monde, et cela au bénéfice des Etats-Unis. En effet, entre 1914 et 1918, les Etats-Unis ont rattrapé leur retard dans les quelques domaines où ils ne dominaient pas encore. Désormais, le centre du monde n’est plus Londres, mais New York. Le système monétaire en vigueur en 1919 est celui de " l’étalon or " : les monnaies ont une parité fixe et peuvent ainsi être échangées contre une certaine quantité de métal précieux, alors que les Etats-Unis détiennent à cette date 50% des réserves d’or mondiales. Quelles sont les différentes stratégies utilisées par les pays industriels pour retrouver leur puissance dans les années 1920, et comment réagissent-ils face à la crise internationale de 1929 ?

En Europe, la situation économique de 1919 est évidemment moins brillante qu’en 1913, cependant, alors que tous les pays d’Europe Occidentale se retrouvent dans la même situation, c’est-à-dire qu’ils veulent tous retrouver leur position économique, monétaire, commerciale… d’avant-guerre, tous ne réagissent pas de la même façon. Le Royaume-Uni par exemple tien à garder une monnaie forte, puisque par tradition la livre Sterling était une monnaie de réserve, digne de confiance pour les investisseurs du monde entier. Il est donc hors de question pour le Royaume-Uni de dévaluer ou de laisser déprécier sa monnaie, et c’est vers ce but que toute la politique du pays est tournée, aux dépends de la production industrielle. En effet, toute l’économie du pays est affectée par cette politique puisque les prix totaux des produits britanniques sont supérieurs à ceux des autres où la monnaie est moins forte : la compétitivité anglaise étant mauvaise, le Royaume-Uni exporte peu : pour une base 100 en 1913, l’indice d’exportation de 1929 est de 81.
L’Allemagne, au contraire, adopte la politique inverse. En effet, après le traité de Versailles, l’Allemagne est non seulement dévastée, mais aussi rendue responsable de la guerre : elle doit donc payer toutes les réparations aux autres pays, et notamment à la France. Cette décision jugée très dure par les Allemands (qui parlent de Diktat) accable encore plus l’Allemagne qui ne dispose pas suffisamment de moyens de paiements : l’Allemagne fait donc fonctionner sa " planche à billets ", c’est-à-dire qu’elle augmente sa masse monétaire, et finalement le résultat est désastreux : une inflation gigantesque, se traduisant par un faible degré d’exportation. En effet, les produits allemands ne sont pas compétitifs puisque leurs prix ont augmenté, et cela même si la monnaie est très faible : pour une base 100 en 1913, l’indice d’exportation allemand est de 92 en 1929.
Contrairement à ces deux pays extrêmes qui favorisent soit la monnaie, soit l’économie, la France reste beaucoup plus modérée. Son but n’est pas de retrouver la valeur de sa monnaie d’avant-guerre immédiatement, et comme elle retrouve les provinces très industrialisées que sont l’Alsace-Moselle, et qu ’elle touche à partir de 1921 les réparations allemandes, non seulement sa monnaie ne s’effondre pas, mais en plus son économie n’est pas ralentie. Ce juste-milieu est idéal pour l’exportation et donc le gain de devises : pour une base 100 en 1913, l’indice d’exportation français est de 147 en 1929, c’est-à-dire que contrairement à l’Allemagne et à l’Angleterre, la France a su rattraper son niveau d’exportation d’avant-guerre, et même le dépasser.
Mais le centre commercial, financier…du monde se situe désormais hors d’Europe : aux Etats-Unis. Si en 1913 les Etats-Unis étaient débiteurs nets par rapport à l’Europe, en 1919, ils sont désormais le " banquier du monde ". La situation entre l’Europe Occidentale et les Etats-Unis s ’est complètement renversée entre 1913 et 1919 : les Etats-Unis ont rattrapé tout leur retard à une vitesse fulgurante, et s’ils n’ont pas encore rattrapé le Royaume-Uni en 1929 en terme de montant cumulé d’investissements extérieurs mondiaux (33% contre 40%) les investissements nouveaux des Etats-Unis dépassent largement ceux de la Grande Bretagne (53% contre 27%). Mais ce rattrapage n’est pas seulement financier, il est aussi naval et commercial. La balance commerciale américaine qui était déjà positive devient massivement excédentaire : la conséquence de tout cela est que les Etats-Unis absorbent tous les stocks d’or mondiaux et au lendemain de la première guerre mondiale les réserves de la banque fédérale américaine contiennent 50% des réserves d’or du monde, ce qui traduit l’épuisement en or des pays européens. En effet, leurs stocks se sont considérablement amoindris et certains pays d’Europe Centrale n’ont plus du tout d’or : le système de l’étalon-or ne peut plus fonctionner.
La conférence de Gènes d’avril 1922 règle ce problème mondial : grâce aux " Gold Bullion Standard " et " Gold Exchange Standard " , l’or n’est plus utilisé comme une monnaie intérieure, mais surtout les monnaies fortes : la livre Sterling et le dollar sont convertibles en or, à taux fixes, c’est-à-dire qu’ils peuvent servir de monnaies de réserve convertibles. Cette décision permet au Royaume-Uni d’atteindre son but : retrouver sa parité, mais cela au prix d’une déflation interne très forte, d’un ralentissement de la croissance économique et également d’une sur-élévation de la livre. Finalement la deuxième moitié des années 1920 est assez bonne : la stabilité monétaire est retrouvée, la croissance économique repartie… Cependant, la menace de la livre sterling reste entière à cause de sa sur-élévation, et lorsque dans la fin de cette décennie la croissance économique française est forte, que ses exportations augmentent… et surtout que sa monnaie se stabilise en 1928 (franc Poincaré) à un taux sous-évalué puisqu’au cinquième de sa parité d’avant-guerre, alors les investisseurs mondiaux convertissent leurs sterlings en francs et le Royaume-Uni se retrouve déstabilisé. Et cela même si la Bourse est en pleine croissance, les investissements plus nombreux…
La crise mondiale des années 1930 marque une rupture décisive dans l’histoire du XXème siècle et les pays étant confrontés aux mêmes difficultés : chômage, faillites.. les solutions adoptées diffèrent encore. Par exemple avant 1932, le Royaume-Uni et l’Allemagne se retrouvent quasiment dans la même situation puisque tous deux étaient les maillons faibles du système : l’Allemagne empruntait beaucoup de capitaux américains pour payer les réparations de guerre et le Royaume-Uni avait une monnaie peu solide et un système peu fiable : c’est-à-dire qu’il empruntait des capitaux à court terme pour les prêter à long terme. Le brusque arrêt d’apport de capitaux américains déstabilise donc immédiatement ces deux pays, mais leurs réactions sont opposées. L’Allemagne, dirigée par le chancelier Brüning, adopte une politique protectionniste dès le 13 Juillet 1931 : il adopte un contrôle des échanges strict, c’est-à-dire que la monnaie n ’est pas dévaluée, mais qu’elle doit rester interne au pays, id est que les capitaux allemands ne peuvent quitter le pays. Le but d’une telle politique est de pouvoir gagner des devises étrangères en exportant mais sans importer, et cela sans dévaluer le mark. Mais sans dévaluer, les produits allemands ne sont pas très compétitifs.
Au contraire, le Royaume-Uni ouvre ses frontières : il ne baisse pas son taux de change, mais déprécie sa monnaie, renonçant ainsi à sa convertibilité en or : c’est la politique adoptée le 20 septembre 1931. Par ailleurs , pour se protéger de la crise, le Royaume-Uni se dote d’un double réseau : la zone Sterling, et le marché de préférence impériale, et cela grâce aux accords suivants : Import Duties Act en février 1932 et les accords d’Ottawa en août 1932, signés avec la plupart des pays du Commonwealth. La zone sterling implique que les pays concernés fixent leur monnaie sur la valeur de la livre et le marché de préférence impériale (qui lui inclut le Canada) instaure des tarifs douaniers préférentiels entre les pays membres. Ainsi, la dépréciation de la livre n’a pas eu trop d’impact sur le Royaume-Uni, et cela grâce au système des balances Sterlings qui consistent à payer les pays concernés ayant une balance commerciale positive avec le Royaume-Uni avec des produits anglais. Ainsi l’économie britannique a pu être dynamisée.
Cependant, le Royaume-Uni est le seul pays a avoir globalement repoussé le protectionnisme. Les Etats-Unis, premiers touchés par la crise, dirigés par le républicain HOOVER ont décidé de baisser à de nombreuses reprises le taux d’escompte en espérant une reprise éventuelle de l’économie dès le début de 1930, mais le contraire s’étant réalisé : baisse des prix, de la production industrielle… Hoover adopte des mesures protectionnistes : le tarif Smooth Hawley en juin 1930.
A cette date, la France n’est pas encore touchée par la crise puisqu’elle est protégée jusqu’en 1931 par le franc Poincaré notamment, mais rapidement elle adoptera des mesures protectionnistes à son tour (entre 1932 et 1936) comme le contingentement des importations, la multiplication des accords de clearing à l’étranger, c’est-à-dire que la France s’engage à importer telle ou telle marchandise à condition que le partenaire en fasse de même.

Finalement, en 1932, toutes les grandes puissances industrielles sont touchées, et leurs politiques diffèrent. Considérons l’exception autoritariste allemande. En effet, la situation en 1931-32 est si catastrophique à l’échelle mondiale (25% de la population active américaine est au chômage…) que l’Allemagne cède à l’autoritarisme : Hitler gagne les élections et arrive au pouvoir en janvier 1933. Dès lors, la politique allemande adoptée contre la crise est accentuée : renforcement du contrôle des échanges… et comme la peur de l’inflation est énorme (les souvenirs de l’immédiat après-guerre sont encore très présents) Hitler ne dévalue pas le Reichsmark mais SCHACHT, son ministre de l’économie, instaure un système ingénieux permettant à l’Allemagne d’augmenter sa masse monétaire sans dévaluer sa monnaie, la monnaie supplémentaire servant au réarmement… : l’Etat commandait aux industriels des armes par exemple, et devait les payer quelques mois plus tard, délivrant cependant une traite à ces industriels, traite qui était endossée puis qui servait en réalité de monnaie parallèle. Ce système a pu fonctionner uniquement grâce à la grande confiance des industriels en Hitler et n’a pu aboutir qu’à la guerre. En parallèle, le système allemand pour rester compétitif a dû réaliser une déflation occasionnelle sur certains produits, afin de gagner des devises. Le système nazi est donc d’une hypocrisie extrême : on ne dévalue pas officiellement, mais la réalité est autre, et surtout il ne peut aboutir qu’à la guerre.
Les Etats-Unis qui n’avaient pas de manque d’or ont quand même laissé se déprécier le dollar, le 19 avril 1933, dans le cadre de la nouvelle politique menée par le démocrate Roosevelt, afin d’augmenter les moyens de paiement et de relancer le marché intérieur. Après le Royaume-Uni en 1931, les Etats-Unis renoncent à la convertibilité du dollar : le système monétaire mis en place à Gènes en 1922 est mort. Une conférence est donc organisée à Londres le 12 juin 1933, son but est de relancer le commerce mondial, et de revenir à un système de parité fixe : c’est un échec total, l’Allemagne nazie y est hostile car vit en autarcie, les Etats-Unis viennent de suspendre leur convertibilité et ne souhaitent pas y renoncer et le Royaume-Uni tient à son marché préférentiel et à sa livre dépréciée. Seul un bloc de dissidents s’accorde, c’est le Bloc Or : France, Belgique, Suisse, Pays Bas, Pologne… Ces pays souhaitent le retour à la convertibilité, mais il se dissout car étant trop faible : la Belgique en 1935 et la France avec l’arrivée du front Populaire au pouvoir doit renoncer au franc Poincaré le premier octobre 1936. Finalement, la conférence de Londres est un véritable échec parce que tous les pays ont préféré défendre leurs intérêts particuliers et le système monétaire restera instable jusqu’à la conférence de Bretton Woods, en juillet 1944. Et justement, analysons les solutions adoptées par un pays qui a préféré défendre ses intérêts internes : les Etats-Unis.
Le démocrate Roosevelt est élu président et prend son mandat en janvier 1933 : il met en place une politique très célèbre : le New Deal. Le New Deal consiste à plus impliquer l’Etat dans l’économie, et s’il n’a commencé qu’à partir de cette date-là, c’est qu’il a fallu procéder à une pratique repoussée par un Etat libéral : le déficit budgétaire. En effet, Roosevelt procède à une politique coûteuse ayant pour but de redonner confiance aux investisseurs et qu’enfin ils sortent de leur thésaurisation destructrice, car empêchant tout investissement et toute croissance économique. Pour cela, Roosevelt procède à une politique de grands travaux afin de résorber le chômage, il y a une volonté d’augmenter les salaires, augmenter le nombre de fonctionnaires pour relancer la consommation. En parallèle, l’Etat américain subventionne les banques pour les aider à faire-face. Pour financer cette politique, Roosevelt fait appliquer le " Revenue Act ", c’est-à-dire qu’il taxe les plus riches pour redistribuer aux plus pauvres qui eux ont une large marge de consommation. Cette politique est très coûteuse et Roosevelt hésite à utiliser la pratique du déficit budgétaire, mais après 1935 et l’approbation du Brain Trust, il n’hésite plus. Cette politique s’inscrit dans la philosophie que Keynes a développé dans son livre : " Traité général de l’emploi, de la monnaie et de l’intérêt " paru peu après, en 1936. La politique de Roosevelt porte plus ou moins ses fruits : en janvier 193, il peut stabiliser le dollar, et le chômage baisse sensiblement. Par ailleurs, l’Etat s’engage de plus en plus dans divers domaines : la banque, l’agriculture et l’industrie. En effet, la collaboration des Etats-Unis avec les banques est devenue plus étroite et l’Etat s’en occupera de plus en plus. Par ailleurs, grâce à la loi AAA (Adjustment Agricultural Act) adoptée en mai 1933, l’Etat américain s’engage à acheter les excédents de la production pour éviter les désagréments dus à la baisse des prix. Et enfin, la loi NIRA (National Industrial Recovery Act) de mai 1933 aboutit à un investissement plus grand de l’Etat dans l’industrie : c’est la suspension des lois précédentes dites " Anti-Trusts ". L’on peut remarquer une implication plus grande des Etats dans tous ces secteurs dans d’autres pays également (France, Allemagne…). Finalement, la politique de Roosevelt a t-elle permis aux Etats-Unis de sortir de la crise ? Le bilan reste mitigé puisqu’effectivement la croissance est revenue… mais il semble que le secteur public ait du mal à relancer l’investissement privé : en 1938 par exemple, Roosevelt limite sa politique de redistribution et c’est toute la production qui ralentit, et par ailleurs le chômage reste relativement élevé même en 1939, la thésaurisation se poursuit…
La politique adoptée en France est similaire, surtout après l’élection en juin du Front Populaire : une politique de redistribution, d’implication de l’Etat dans l’économie…et une pratique évidente du déficit budgétaire. Les résultats obtenus sont pourtant encore mitigés : les secteurs que l’on a tenté de raviver sont dépassés… la reprise y est encore plus dure qu’aux Etats-Unis.
Le Royaume-Uni n’a pas eu besoin d’appliquer de telles politiques : son double réseau (zone sterling et matché préférentiel) l’a bien protégé de la crise. Finalement le Japon et le Royaume-Uni sont sûrement les deux seules exceptions qui ont mieux vécu les années 1930 que les années 1920.

Le monde de 1939 n’est plus bipolaire comme en 1919, partagé entre Londres et New York : les situations économique, financière…des pays sont variables puisque le Royaume-Uni semble ne pas avoir trop souffert contrairement aux Etats-Unis et à la France pour qui le bilan final reste encore plus mitigé. De son côté, l’Allemagne a bien su relever son économie, mais cette reprise s’effectue dans un cadre totalitaire et est uniquement basée sur le réarmement, l’hypocrisie du système…ce qui ne peut aboutir qu’à la guerre. Il paraît évident que les pays ont pendant des années moins collaboré entre eux : le commerce mondial s’est effondré (baisse de 60% entre 1929 et 1935) et ainsi les tensions entre Etats ont pu se développer, annonçant ainsi une nouvelle guerre. Finalement, à la veille de 1939, le système capitaliste libéral se voit remis en question, notamment à cause de la question du rôle de l’Etat… mais la guerre brisera pour quelques années ces considérations et ramènera les Etats-Unis au niveau atteint en 1919.