La vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du lycée Bergson d’Angers. Cette copie a été notée 14/20. Le commentaire du professeur est : L’ensemble exprime un effort de réflexion. Il est dommage que votre plan soit fragile et que la notion d’autonomie soit mal exploitée.

Bonne copie du lycée : 49 - Angers - Lycée Bergson

Cette copie a été notée : 14 / 20

Commentaire du professeur : L’ensemble exprime un effort de réflexion. Il est dommage que votre plan soit fragile et que la notion d’autonomie soit mal exploitée.


Untitled Document René Descartes au XVIIème siècle dans ses Méditations Métaphysiques à l’époque de l’apparition des sciences expérimentales, tout comme Platon au IVème siècle avant J-C, présente la démarche philosophique comme une recherche de vérité absolue. En effet, Platon développe d’une manière générale dans La République une philosophie de l’être et une philosophie de la philosophie. Dans l’allégorie de la caverne (une allégorie étant un discours symbolique), il met en scène des prisonniers enchaînés au fond d’une caverne, symbole du monde sensible, le dos tourné vers l’extérieur, symbole du monde intelligible où la lumière du soleil symbolise la vérité. A partir de là, il nous amène à nous demander si la vérité est contraignante ou libératrice.
Autrement dit, la vérité nous soumet-elle à des lois ou nous libère-t-elle de toute contrainte ? Soit la vérité nous aliène-t-elle ou nous libère-t-elle ? Répondre à cette question, c’est tout d’abord s’interroger sur les moyens d’accéder à cette vérité. Comment prend-on conscience de la vérité ? Qu’apporte-t-elle à l’homme ? Est-elle source d’autonomie, d’accès à la connaissance ? Par ailleurs, existe-t-il une vérité absolue, universelle ou alors toutes les vérités se valent-elles ?
Notre propos va donc s’attacher à analyser ce que peut apporter la vérité à l’homme. Par ailleurs, il sera nécessaire de s’interroger sur la manière et les méthodes d’accès à la vérité. Enfin, nous verrons si cet accès à la vérité est définitif, acquis ou s’il ne s’agit pas d’une recherche continuelle de l’Esprit.

Pour commencer, il apparaît nécessaire de bien distinguer vérité et illusion. L’illusion se définit comme une confusion de la réalité avec l’apparence, autrement dit, l’illusion est la substitution du monde intelligible par le monde sensible. La vérité, au contraire, se définit comme l’accord de la pensée avec la réalité, c’est-à-dire que la représentation d’une chose est vraie lorsqu’elle est conforme à la réalité.
Platon part de cela pour affirmer que l’artiste est un illusionniste. En effet, selon lui, l’œuvre d’art, comme par exemple une peinture, est l’imitation d’un objet sensible qui est moins réelle que l’objet sensible qui est lui-même moins réel que l’essence des choses. L’illusion s’apparente à l’idéologie qui est une pensée qui se croit libre mais qui est en fait déterminée par les bases socio-économiques de la société.
Par conséquent, on peut affirmer que la vérité nous libère de nos illusions tout en sachant paradoxalement que ce détachement de l’illusion peut nous faire prendre conscience de nos déterminismes, des contraintes de notre vie. Toutefois, dans ce cas, ce n’est pas la vérité en elle-même qui est contraignante.
C’est en ayant conscience de ses déterminismes que l’homme peut tenter d’y échapper en usant de la raison et en devenant plus autonome, c’est-à-dire, en obéissant à des lois qu’il s’est fixées lui-même en tant qu’être raisonnable ce qui correspond à une définition de la liberté.
Sur cette base, la vérité peut être source de connaissance comme l’affirme Descartes.
Cependant se pose un problème car l’illusion est une ignorance non consciente d’elle-même. Par conséquent, comment l’homme prend-il conscience qu’il ne se situe pas dans la vérité ? Comment peut-il par sa seule volonté se détacher de l’illusion ? Cela ne nécessite-t-il pas l’intervention d’un tiers ? Dans ce cas, il faut se demander si ce n’est pas plutôt les méthodes, la démarche de prise de conscience de cette illusion qui sont contraignantes. Cette démarche est mise à jour à la fois par Platon et par Descartes.

Déjà pour Aristote, pour accéder à la vérité formelle, c’est-à-dire, à l’accord de la pensée avec elle-même, autrement dit à la cohérence, il faut nécessairement obéir à trois lois ou principes qui sont irréfutables, à savoir le principe d’identité, celui de la non-contradiction et celui qui affirme qu’une chose est ou n’est pas. Toutefois, la cohérence n’est pas une condition suffisante pour accéder à la vérité.
Les différentes contraintes pour accéder à la vérité sont explicitées par Descartes d’une manière rationnelle et par Platon de façon symbolique.
Ainsi, Descartes propose, pour accéder à une vérité première indubitable source de tout savoir, de se libérer de toutes ses croyances (certitude subjective), de tous ses préjugés ainsi que de toutes ses opinions qui sont des croyances faisant référence au monde sensible. Il préconise de ne pas se fier à ses sens qui sont trompeurs et de pratiquer un doute méthodique, provisoire, radical et hyperbolique (assimilation du simplement douteux à l’absolument faux). On voit donc bien ici qu’accéder à la vérité est une démarche contraignante.
De la même façon, dans l’allégorie de la caverne, Platon fait comprendre que tout d’abord se détacher de l’illusion fait appel à une force contraignante. En effet, pour détourner le regard des prisonniers des ombres, déformations de la réalité, vers les objets réels, il est nécessaire de brise leurs chaînes qui symbolisent les croyances, opinions, préjugés, bref tout ce qui rattache au monde sensible. En ce sens, Platon rejoint Descartes. Ensuite, il faut les inciter à tourner le regard vers la lumière ce qui peut se faire par la force ou par l’intermédiaire du philosophe qui convainc. Enfin, pour atteindre le monde intelligible, le prisonnier est contraint à être ébloui par la lumière et à se blesser.
A ce stade, il apparaît que ce que nous procure la vérité n’est pas contraignant puisqu’elle nous offre des perspectives de connaissance et d’autonomie, qui n’est certes pas une absence de contraintes mais reste une forme de liberté, mais c’est la démarche d’y accéder qui est contraignante. Rechercher la vérité, c’est affronter de nombreux obstacles.
Mais comment savoir si la vérité à laquelle on accède est vraie ? En effet, il m’est impossible de vérifier que la représentation que j’ai d’un objet est conforme à la réalité puisque je ne peux pas sortie de ma conscience, comparer ma représentation et la réalité hors de ma conscience. En effet, même en sortant de ma conscience, je percevrais la représentation de la représentation que j’ai de l’objet et une représentation de la réalité de l’objet et non sa réalité en elle-même. La réalité fait donc toujours l’objet de médiations. Dans ce cas, existe-t-il une vérité absolue ?

Au IVème siècle avant JC, les sophistes grecs comme Protagoras et Gorgias étaient partisans d’un conventionnalisme relativiste qui affirme que la vérité est relative, que chacun sa vérité et donc qu’il y a autant de vérité que de subjectivité.
De nos jours, les hommes sont plus enclins à penser que les sciences, notamment expérimentales, sont les sources de toute vérité. Toutefois, ces vérités obtenues (sous la forme de lois) ne sont jamais définitives en droit.
En effet, en ce qui concerne les sciences positives, surtout les sciences naturelles, les lois sont, au cours des expérimentations, soit corroborées, soit réfutées mais en aucun cas vérifiées. On ne peut effectivement pas vérifier toutes les occurrences d’un phénomène. Popper en a déduit, dans les années 1950, que le progrès des sciences consistait ainsi en sauts d’une erreur reconnue à une erreur possible. En prenant en compte ce raisonnement, on peut donc penser qu’une théorie peut, en droit, s’avérer être fausse et donc ce que l’on tenait pour une vérité ne l’est plus.
On retrouve presque le même problème dans le modèle herméneutique des sciences humaines où l’on peut croire par exemple qu’il y a autant d’histoires que d’historiens. L’objectivité des sciences humaines est toujours mise en doute.
A ce niveau, on constate donc que l’homme accède par les sciences à des vérités " provisoires ", instables et réfutables en droit. La vérité peut donc apparaître ici comme contraignante puisque le doute est souvent possible et que l’homme ne peut ainsi jamais avoir de certitudes absolues ; mais elle est plutôt et surtout inquiétante dans la mesure où l’on ne peut jamais savoir si on l’a atteinte. L’instabilité est une source d’inquiétude et l’erreur possible provoque une mise en mouvement de la pensée.

Pour conclure, il apparaît donc dans notre propos que la recherche de la vérité est contraignante mais que la vérité en elle-même est plutôt libératrice. En effet, connaître la vérité permet de se libérer de ses illusions ainsi que d’accéder à une certaine objectivité, à des connaissances. Toutefois, par la liberté qu’elle peut nous procurer, elle nous met face à des responsabilités. En ce cas, l’illusion est plus rassurante. Pour le philosophe, la vérité est une condition nécessaire dans la démarche philosophique et la philosophie parie sur la possibilité de trouver des solutions aux inquiétudes provoquées par la connaissance de la vérité.