Y-a-t-il une politique des transports européens ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du Lycée Touchard du Mans. Cette copie a été notée 18/20. Voici le commentaire du professeur : Une excellente étude précise et bien menée. Vous avez bien soigné les transitions.

Bonne copie du lycée : 72 - Le Mans - Lycée Touchard

Cette copie a été notée : 18 / 20

Commentaire du professeur : Une excellente étude précise et bien menée. Vous avez bien soigné les transitions.


Untitled Document Face à des besoins de mobilité et d’échanges en forte croissance, les transports jouent un rôle de plus en plus considérable dans les économies, sociétés et territoires européens. En effet, les transports, aussi bien fluviaux et maritimes que terrestres et aériens, sont les supports des échanges qui, eux-mêmes " tirent " la croissance économique. La mondialisation des échanges, la création du Marché unique européen, l’internationalisation de l’appareil productif des firmes fonctionnant en flux tendus, la spécialisation sectorielle et fonctionnelle des espaces, les mutations technologiques (télécommunications) et l’évolution des relations travail/habitat montrent l’indiscutable nécessité d’une politique des transports au sein de l’Europe.
Depuis le traité de Rome de 1957, l’Europe se veut être un espace uni or l’unité d’un espace dépend des moyens de communication qui le caractérisent. Ainsi l’on peut s’interroger sur la politique des transports européens. Existe-t-elle réellement à l’heure actuelle ? Cette politique communautaire, chaotique entre 1961 et 1983, respecte-t-elle les objectifs du traité de Rome ?
Dans un premier temps, nous verrons ainsi dans quelle mesure nous pouvons considérer qu’il existe une politique des transports rail/routes puis nous montrerons en quoi cette politique européenne des transports n’est pas complète et enfin nous regarderons quelles sont les raisons pour lesquelles cette politique communautaire n’existe pas réellement.


I - EN QUOI EXISTE-T-IL UNE POLITIQUE EUROPEENNE DES TRANSPORTS RAIL/ROUTES ?

Le trafic terrestre a une ampleur extraordinaire. En effet, le trafic routier représente, aussi bien pour le trafic marchandises que pour le trafic voyageurs, 80 % du trafic général européen et le rail représente 10 %.

- Les réseaux routiers et autoroutiers sont développés au niveau européen…

Le trafic routier a une ampleur extraordinaire pour différentes raisons. Il existe des facteurs internes à l’espace européen, mais aussi des facteurs externes.

Facteurs internes :

  • ouverture de l’espace européen et différents actes (Acte Unique, 1986) qui impliquent la libre-circulation des marchandises ;
    Le juste à temps (0 stock, 0 délai) implique une proportion bien plus grande de stocks roulants >> trafic routier plus important. Le transport routier est le transport le moins coûteux pour les produits non pondéreux et il s’agit du moyen de transport qui permet la plus grande flexibilité ;
  • La révolution industrielle qui s’est accompagnée d’une révolution des transports ;
  • L’imbrication des appareils productifs et des services qui Þ une démultiplication des différents moyens de transport.

Facteurs externes :

  • mondialisation du commerce et ouverture sur le monde (Rotterdam : 1er port du monde tous trafics confondus) ;
  • les délocalisations dans le cadre de la recherche d’avantages comparatifs ont contribué à l’incroyable augmentation des trafics.

Les réseaux routiers et autoroutiers sont donc nécessairement développés aux niveaux national et européen ce qui entraîne une politique communautaire européenne comme en témoigne par exemple la modernisation du réseau autoroutier qui est mis à la taille européenne en 1965 et la construction du Tunnel du Mont Blanc entre Chamonix et Turin également en 1965. Les liaisons trans-frontalières de part et d’autre des massifs montagneux sont améliorées. Cette amélioration passe par la gestion commune des cols existants et la création de tunnels. Ainsi a-t-on créé, par exemple, le tunnel du Cadi en 1984 entre la Catalogne et la France pour soulager le col du Perthus et également le tunnel du Puymorens en 1995 entre la France et l’Espagne.

De plus, depuis le 1er janvier 1988, les transporteurs routiers n’ont plus qu’un document administratif unique (DAU), pour circuler en Europe alors qu’ils avaient besoin de 70 formalités auparavant. Ce DAU est en vigueur dans 19 pays au sein de l’E.E.E (Espace Economique Européen) et s’accompagne d’une libre-concurrence des transporteurs sur l’espace européen.

- … ainsi que le réseau ferroviaire.

D’une part, en 1986 a été prise la décision d’installer des lignes LGV à travers l’Europe et on constate également une volonté de politique communautaire dans la mesure où les TGV sont à présent construits de façon à s’adapter aux différents rails. Les TGV qui font les trajets France/Espagne sont équipés d’essieux à ajustement variable car les rails sont moins larges en Espagne et, par ailleurs, les TGV sont construits de façon à s’adapter aux différentes alimentations électriques en France et en Angleterre. En effet, l’alimentation électrique en France est aérienne alors qu’elle est souterraine en Angleterre.
D’autre part, les réalisations qui témoignent d’une politique des transports européens sont la mise en place d’un réseau Trans-Europe Express (TEE) fondé en 1957 et du Thalys, en 1995, qui relie Paris, Bruxelles et Amsterdam.

Le but de cette politique des transports européens est donc la mise en complémentarité des espaces afin de les intégrer et de les désenclaver.
Des initiatives ont donc été prises pour renforcer cette politique des transports européens. Ce sont le tunnel trans-Manche, inauguré en 1994 ou encore la mise en place de plate-formes de ferroutage. En effet, face à la saturation des grands axes comme la dorsale rhénane, des décisions communes de créer des systèmes inter-modaux ont été prises. Ainsi a été créée la plate-forme Garonor au Nord-Est de Paris.
La politique européenne rails/routes est donc manifeste, cependant on peut se demander ce qu’il en est pour les autres moyens de transports et c’est ce qui fera l’objet de notre seconde partie.


II - EN QUOI CETTE POLITIQUE N’EST- ELLE PAS COMPLETE ?

- L’Europe manque de politique communautaire en ce qui concerne les transports fluviaux et maritimes.

Les transports maritimes occupent une place prépondérante dans les échanges avec les pays non communautaires (70 % du trafic), avant tout pour les produits pondéreux, mais aussi pour les marchandises diverses avec la révolution de la conteneurisation (+ 10 % par an depuis 1984). Ils réalisent en outre 26 % des échanges communautaires et se concentrent sur une cinquantaine des 600 ports européens, avec une nébuleuse primordiale en Mer du Nord (Rotterdam, Anvers…) sur le Northern Range. De cette façon, les grands ports sont mis en réseaux et depuis 1999, le cabotage est associé à la libre-concurrence.

L’Europe du Nord-Ouest utilise ses fleuves (le Rhin, la Meuse, l’Escaut) pour ses transports lourds intérieurs. Des canaux à grand gabarit complètent ce dispositif. Au total, 18 % des échanges intra-communautaires utilisent ce moyen économique et peu polluant. Mais l’essentiel de l’espace européen est sous-équipé. Des liaisons majeures (Rhône-Rhin) n’existent pas. Il y a un problème de jonction avec le canal de Bourgogne. Et le projet dans ce cas est contesté, alors que l’Allemagne a réalisé sa liaison Rhin-Main-Danube par le canal de Bamberg en 1992 qui lui ouvre l’Europe balkanique, et au-delà, la mer Noire.
Par ailleurs, la France ne joue pas le jeu de l’aménagement des axes fluviaux. Elle a privilégié le réseau ferroviaire car la tonne transportée par voie d’eau est 3 fois plus chère que par voie ferrée. Ainsi, tous les fleuves à l’Ouest de la France sont aménagés au gabarit Freycinet (moins de 1350 tonnes) et à l’Est, ils sont aménagés au petit gabarit européen qui est de 1350 tonnes alors qu’en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, ils sont au grand gabarit européen qui est de 4500 tonnes. Il y a donc une rupture de charge entre la France et la Belgique or une rupture de charge implique un arrêt ce qui entraîne des coûts plus élevés. Il y a également un premier goulet d’étranglement entre la Seine, l’Escaut et la Sambre et un deuxième entre la Seine, le Rhône et le Rhin par le canal de la Marne qui est au gabarit 1350 tonnes alors que la Seine et le Rhône sont au gabarit 4500 tonnes.

- La bataille du ciel freine une véritable politique des transports européens…

L’Europe est la zone du plus intense trafic aérien au monde. Faisant par ailleurs partie de la " Triade ", elle est un des trois nœuds essentiels du trafic intercontinental. Organisée traditionnellement sur la base de sociétés nationales, elle est aujourd’hui au cœur d’une bataille majeure liée à la déréglementation.

Le domaine des transports aériens est demeuré très protégé jusqu’au milieu des années 70. Les relations entre Etats et sociétés aériennes étaient étroites et le fonctionnement des transports aériens était précisément réglementé.
La déréglementation intervenue aux Etats-Unis à la fin des années 70 s’est répercutée en Europe du fait de la concurrence. Dès 1979, la Commission a rappelé les principes de libéralisation.

L’ouverture devait être complète en 1993. Trois étapes étaient prévues ; les deux premières, en 1988 et 1990, ont remis en cause l’ancien système et instauré en partie la libre-concurrence. Les compagnies ont été autorisées à libérer leurs tarifs, la " multidésignation " (concurrence de plusieurs compagnies sur une même ligne) et le droit de " cabotage " (autorisation pour une compagnie étrangère de faire des escales multiples et de transporter passagers et fret entre ces escales) se sont mis en place. La libéralisation ne sera cependant totale qu’en 1998.

L’UE est complètement dépassée par le processus en cours et la Commission n’a pu que freiner le processus au nom du refus des positions dominantes (janvier 1997). La faiblesse de l’Europe est ici encore évidente.

-… tout comme les réseaux de télécommunication.

Chaque pays, en Europe en particulier, a développé au cours du siècle son propre réseau, son propre système de télécommunications (par exemple Transpac en France en 1974 ou encore le Minitel). L’importance stratégique et politique des communications a fait que progressivement les Etats ont pris le contrôle des premières firmes privées et ont acquis le monopole : des sociétés nationales se sont ainsi constituées.

Malgré la dérégulation réalisée aux USA dès les années 80, il faut attendre le Livre Blanc de Jacques Delors en 1993, pour que soit évoquée l’urgence d’une politique commune dans ce domaine des Technologies de l’information et des communications (TIC). Mais les Etats-Unis, forts de leur avance et de leur suprématie n’ont pas laissé à l’Europe le temps de s’adapter. Négociant en force d’abord dans le cadre du GATT, ils ont finalement obtenu à Genève, dans le cadre de l’OMC, un accord sur l’ouverture totale à la concurrence à compter du 1er janvier 1998, signé par 68 pays dont les membres de l’UE. C’est donc la fin des monopoles. Il s’agit de privatiser, au moins en partie, les anciens opérateurs nationaux et avant même les privatisations, les sociétés se sont lancées dans des alliances tous azimuts : en 1996 le Britannique British Telecom s’est allié à l’Américain MCI, France Télécom à Deutsche Telekom et à l’Américain Sprint…

Ce qui ressort de cette tempête, c’est une fois encore, l’éclatement de l’Europe qui, dans un domaine aussi cruciale, est certainement lourd de conséquences et, en tout cas, révélateur de la fragilité de l’édifice européen et du manque de politique des transports européens en matière de télécommunications.


III - POUR QUELLES RAISONS N’Y-A-T-IL PAS REELLEMENT DE POLITIQUE COMMUNAUTAIRE ?

- Débat entre Etat-Nation et supranationalité.

Il est difficile d’établir une réelle politique communautaire dans la mesure où chaque Etat hésite entre privilégier l’Etat-Nation ou la supranationalité. En choisissant la supranationalité, les pays ont peur de perdre leur identité culturelle, économique, sociale…

- Les logiques économiques priment.

Les logiques de la rentabilité économique empêchent de mettre en œuvre une politique des transports qui permettrait d’intégrer et de désenclaver les espaces. Ce sont donc les logiques externes qui l’ " emportent " sur les logiques internes, c’est-à-dire que se développent les grandes villes, les grands axes de communication et les grandes façades maritimes, du fait du processus cumulatif de richesses, au détriment du reste de l’espace qui devient difficile à intégrer et à désenclaver.
Ainsi, l’Europe étant le premier pôle commercial du monde (47 % des échanges mondiaux sont intra-européens), le FEDER (Fonds Européen de Développement Economique et Régional) se doit de mener une politique communautaire de désenclavement et insister sur le concept de " justice spatiale " au sein de l’Europe. Il faut donner sa chance à chaque région. Cette politique de désenclavement passe notamment par une politique d’aménagement du territoire.

- Les logiques de rentabilité économique se heurtent au pouvoir écologiste.

Il existe un débat entre rentabilité économique et protection de l’environnement. Le pouvoir politique se heurte aux lobbies et à l’opinion publique. Par exemple, la construction de l’autoroute A 28 a été interrompue car les lobbies écologistes s’y sont opposés en affirmant que cela allait fortement nuire à une espèce de scarabées, le pique-prune. Ce pouvoir écologiste empêche donc d’une certaine façon la mise en place d’une politique des transports européens.


Le secteur des transports représente un vaste marché de plus en plus livré à la concurrence dans un cadre libéral et déréglementé. Cependant on constate que l’Union Européenne s’efforce de mettre en place une politique communautaire rails/routes alors qu’elle reste impuissante face à la concurrence qui sévit dans les secteurs du transport aérien et des télécommunications. De plus, la politique européenne concernant les transports fluviaux est quasi-inexistante. Les logiques de rentabilité économique et dons les logiques externes empêchent cette réelle politique européenne qui permettrait de décongestionner les grands axes, de protéger l’environnement et donc de désenclaver les espaces. A terme, on peut craindre que les goulets d’étranglement deviennent un fardeau pour l’Europe. Il faut donc concilier axes structurants et désenclavement.