Au regard de l’évolution de l’économie américaine et de son statut de superpuissance, peut-on justifier l’expression de Mr. Laïdi : l’Amérique est une puissance mutante ?

Bonnes Copies

Bonne Copie de l’IPESUP de Paris. Cette copie a été notée 11/20. Le commentaire du professeur est : C’est bien.Vous avez bien su isoler en II les permanences de l’économie américaine. La plupart des arguments sont là (sauf peut-être le social). Pour autant, il faudrait approfondir un peu la réflexion.

Bonne copie du lycée : 75 - Paris - IPESUP

Cette copie a été notée : 11 / 20

Commentaire du professeur : C’est bien.Vous avez bien su isoler en II les permanences de l’économie américaine. La plupart des arguments sont là (sauf peut-être le social). Pour autant, il faudrait approfondir un peu la réflexion.


Untitled Document Au regard de l’évolution de l’économie mondiale au XIXème siècle, c’était la Grande-Bretagne que l’on qualifiait de superpuissance. Cependant, à partir de la première guerre mondiale, les Etats-Unis vont tenter d’installer une certaine hégémonie. Poser le problème de l’Amérique en tant que puissance mutante, à travers l’analyse des évolutions de son économie et de son statut de superpuissance, reviendrait à se demander : quels sont les types de mutation qu’a subie l’économie américaine ? Ces mutations n’ont-elles pas été en réalité l’un des facteurs de l’hégémonie américaine surtout à partir de 1945 ?
L’économie américaine a subi différents types de mutations au cours du XXème siècle. Il en est de même pour son statut de superpuissance (I). Pour autant, certains facteurs restent récurrents dans l’évolution de cette économie et l’affirmation de cette hégémonie (II). Ce sont les mutations des Etats-Unis qui on en partie permis la justification de son statut de superpuissance (III).


A travers l’analyse des évolutions des Etats-Unis, les mutations économiques, géopolitiques et celles se rapportant à la géodynamique de son territoire permettent de justifier ce statut de puissance mutante.
D’un point de vue économique, les notions de taylorisme et fordisme, montrent déjà clairement que dès le début du siècle, les notions d’organisation du travail (Taylor, Ford avec le modèle T(1920)) ont considérablement évolué. A partir de 1945, le secteur tertiaire va devenir de plus en plus important dans l’économie américaine : la part des actifs dans le secteur tertiaire a augmenté de 30% en 50 ans. Depuis quelques années, un nouveau phénomène est en train d’émerger : l’imbrication du secteur secondaire dans le secteur tertiaire. L’évolution de sociétés comme Général Electrics ou US Steel (qui devient US X) montre bien cette évolution. La notion de propriété a pris un tout autre sens au cours du XXème siècle. L’idée que les grandes entreprises étaient sous le contrôle de quelques grandes familles (Rockfeller) a été validé depuis l’émergence de l’économie américaine et réfuté avec la notion d’importance du management de l’entreprise (les technostructures) définie par Galbraith qui parlait d’un nouvel Etat industriel dans les années 60. De même, les années 80 et 90 ont vu apparaître deux phénomènes asymétriques : l’ère des " corporate killers " comme Jimmy Goldsmith (cherchant à racheter des entreprises et les démanteler pour optimiser leurs qualités) et l’avènement dans les années 90 de la reconcentration des entreprises pour atteindre une taille critique face à la mondialisation. C’est le cas de Boeing et Mac Donnel Douglas mais aussi Digital Equipment et Compaq.
Cette volonté des Etats-Unis de s’affirmer en tant que superpuissance apparaît dès 1945 et se traduit rapidement sur le plan géopolitique. Pour y parvenir, par un système d’accords bilatéraux ou multilatéraux, ils vont établir des bases militaires partout dans le monde leur permettant ainsi d’avoir une influence sur tous les océans et les endroits stratégiques (Canal de Panama, Détroit de Malacca). Ils vont aussi imposer un certain libre-échange sur tous les marchés mondiaux à travers différentes institutions (GATT,FMI) mais aussi des rounds de négociations. Cette volonté des Etats-Unis de contrôler les marchés par des institutions n’apparaît qu’après la seconde guerre mondiale. Pour imposer cet ordre économique, ils vont utiliser leur puissance. Ainsi, durant le round de Tokyo, des menaces sur la croissance mondiale ont provoqué l’accélération des négociations, les Etats-Unis étant alors le pivot de l’économie mondiale.
Son importance dans l’économie mondiale se justifie aussi par la géodynamique de son territoire qui a particulièrement évolué. Contrairement aux autres pays industrialisés, la population américaine est une population très mobile (les américains changent d’Etat en moyenne tous les 17 ans). Par conséquent, la hiérarchie des Etats aux Etats-Unis change chaque année et aucun état n’est condamné. A partir du moment où un Etat est dévalorisé, il devient intéressant pour les entreprises car le terrain est moins cher. Cette géodynamique a été modifié grâce à l’évolution de l’immigration des Etats-Unis (avec toujours près de 750000 migrants par an) : les communautés minoritaires ont eu plus ou moins de facilité pour s’intégrer (la communauté asiatique est très intégrée, tandis que pour les communautés noires et hispaniques, de nombreuses disparités sont apparues). L’immigration étant un facteur important dans l’économie américaine, son évolution a donc aussi permis une certaine mutation de la puissance américaine et de son économie comme le montre l’importance grandissante de " l’ethnobusiness " actuellement. Pourtant, même si cette puissance émerge depuis la première guerre mondiale, et malgré de nombreuses évolutions, certains facteurs ne changent pas.


Depuis 1880, la plupart des inventions qui ont permis l’évolution de l’industrie sont américaines. Ainsi, en 1945, la moitié des brevets technologiques sont américains. Cette puissance d’innovation a été aidée par l’importance du budget de l’Etat américain dans la recherche et développement, notamment dans le complexe militaro-industriel. Cette puissance d’innovation se retrouve aussi dans l’évolution de l’économie : ainsi l’importance du secteur tertiaire a été très précoce par rapport aux autres pays industrialisés, de même que la mondialisation même si le commerce extérieur ne prend une part importante dans l’économie américaine que dans les années 70 (5% du produit intérieur brut était importé auparavant).
D’un point de vue monétaire, malgré de nombreux changements de politique, la volonté d’une hégémonie monétaire demeure depuis les années 20, lorsqu’elle devient une véritable monnaie de référence. C’est d’ailleurs à cause de son importance dans l’économie mondiale, que le krach boursier d’octobre 1929 va provoquer une crise de taille mondiale.. L’Amérique va utiliser de nombreux processus pour accroître l’importance du dollar pour permettre ainsi aujourd’hui que la moitié des échanges se fassent en dollar et 75% des transactions journalières sur les marchés des changes se fassent aussi en dollar. Déjà, dès 1945, la banque centrale américaine possédait deux tiers des stocks d’or et la seule monnaie convertible en or était le dollar. Depuis, elle utilise des processus pour permettre d’augmenter la part du dollar dans les réserves monétaires mondiales. Ainsi, avec un dollar faible, les Banques centrales des pays industrialisés souhaitant soutenir cette monnaie, la part de celui-ci augmente dans les réserves.
Le capitalisme américain, malgré ses nombreuses mutations, a aussi gardé quelques constantes. Il a toujours été un capitalisme innovateur qui a permis un véritable dynamisme des entreprises américaines, c’est ce que Schumpeter appelle la destruction créatrice. Le capitalisme a valorisé le salaire par rapport à l’emploi : symbolisé par le système du Cost of Life Adjustement (COLA) instauré par General Motors en 1948, qui vise à harmoniser le rapport entre la hausse des prix et les salaires. Le syndicalisme a pour de nombreuses raisons eu de moins en moins d’importance dans l’économie américaine notamment avec la loi Taft-Hartley de 1947. Cependant, une contestation de ce capitalisme semble émerger car des grèves, peu courantes aux Etats-Unis, ont eu lieu ces dernières années comme celle des ouvriers de General Motors pour protester contre un transfert de technologie vers la Chine. Malgré tout, la puissance de ces facteurs récurrents, bases de l’économie américaine, peuvent-ils justifier ce statut d’hyperpuissance pour les Etats-Unis?

Le statut de superpuissance se justifie avec l’importance des mutations de l’économie américaine. Sa puissance d’innovation, permettant de devancer ses concurrents, et la réussite à des degrés plus ou moins importants de ces innovations a permis d’installer l’économie américaine en tant qu’archétype de l’économie mondiale. Ainsi, la plupart des grands décideurs dans le monde ont suivi une formation dans une université américaine ( de nombreux politiques mexicains ont été formés à Harvard comme l’ancien président Georges Salinas). De même, tous les géants de la distribution qu’ils soient européens ou japonais, ont appris les techniques de la distribution (fondamentale pour une économie) aux Etats-Unis (comme les techniques de Bernard Trujillo).
La présence de nouveaux marchés comme celui de l’Internet, montre aussi que les Etats-Unis ont une longueur d’avance. Plus de 75 millions d’américains sont connectés à Internet et de nombreuses fortunes se sont formés grâce à ce marché (Chambers avec Cisco Systems, David Filo et Jerry Yang avec Yahoo), ce qui n’est pas encore le cas en Europe et au Japon. Cette mutation des technologies de l’information est donc sous l’emprise des Américains.
La mutation des marchés financiers mondiaux avec l’apparition des fonds de pension montrent que les Etats-Unis parviennent à affirmer leur puissance. Cette mutation a été initié par les Etats-Unis et justifie ainsi son statut de superpuissance. Les fonds de pension américains (tels que LTCM, Sequoia Capital) détiennent plus de 25% de l’économie américaine. Ce phénomène a de nombreuses conséquences notamment une fragilisation des marchés boursiers qui deviennent de plus en plus spéculatifs : la capitalisation boursière de Yahoo (225 milliards de dollars) est équivalente à celle de Boeing malgré un chiffre d’affaire totalement différent. De même, ce capitalisme impose de nouvelles règles qui rendent le système boursier encore plus fragile (système des warrants). Enfin, cette prise de pouvoir dans les entreprises étrangères permet d’imposer une nouvelle idéologie américaine : le profit maximum à court terme.


Au total, l’expression d’ "Amérique puissance mutante" est justifié au regard de l’évolution de l’économie américaine et de son statut de superpuissance car elle est parvenue à imposer son idéologie à travers ses innovations et ses nombreuses mutations. Ainsi, les technologies de l’information ne sont-ils pas le nouveau marché où les Etats-Unis imposeront leurs idées par leur capacité de mutation ?