La définition première que l'on donne habituellement 
à la notion de représentation est la re-présentation, c'est-à-dire 
une autre présentation de quelque chose existant, représenter peut 
alors vouloir dire donner quelque chose à voir, évoquer quelque 
chose d'absent
 C'est donc que la représentation renvoie toujours 
à un objet préexistant, et en cela on pourrait dire qu'elle tente 
d'imiter la nature pour la remplacer par exemple, pour s'en inspirer. Et si son 
objectif prioritaire est la copie conforme au réel, que est son intérêt, 
sachant qu'une reproduction parfaite est elle même impossible sans quoi 
elle devient l'objet initial ? Mais par ailleurs, si la représentation 
ne cherche pas à copier le réel, elle s'en éloigne, n'y a-t-il 
pas alors un risque de déconnexion de la représentation ? Quel serait 
alors son intérêt ? Il y a donc un rapport subtil entre ressemblance 
et dissemblance interne au concept même de représentation. La représentation 
se trouverait ainsi à la charnière entre création et imitation, 
puisqu'elle veut rester fidèle à son objet sans pour autant l'imiter 
totalement. Ses objectifs étant l'Art, la Connaissance
 se pourrait-il 
que ces nobles recherches ne se basent que sur une vulgaire tentative d'imitation 
par ailleurs irrémédiablement vouée à l'échec 
? Dans cette réflexion, nous tenterons de résoudre ces difficultés 
et pour cela nous analyserons en quoi la représentation est une création 
s'inspirant de la réalité, puis en quoi elle dépasse cette 
réalité et finalement comment à partir de sa relation ressemblance 
/ dissemblance elle parvient à traduire et apaiser les angoisses de l'homme 
les plus profondes contrairement à la copie.  
  Il apparaît clairement que la représentation est une activité 
  humaine de création. Mais l'on ne peut nier qu'elle ne puisse se transcender 
  à partir d'elle même, c'est-à-dire qu'elle ne puisse dépasser 
  sa propre condition basée sur la préexistence de l'objet représenté 
  à partir d'elle même. En effet, l'homme ne peut représenter 
  que ce qui existe déjà, et même si sa faculté imaginative 
  est puissante, il ne peut représenter les créations technologiques 
  non encore découvertes par exemple. C'est donc que la représentation 
  se base sur un objet existant, et cela même si elle ne se veut pas réaliste 
  ni figurative. En effet, Picasso dans son très célèbre 
  tableau Guernica ne reproduit pas à l'identique une scène de guerre, 
  sa peinture n'est pas figurative, mais elle se base néanmoins sur des 
  faits réels. La représentation rapporte donc des faits, des existences 
  et cela parfois même inconsciemment. En cela, l'on pourrait qualifier 
  la représentation d'imitation, ou plutôt de tentative d'imitation, 
  tout en gardant à l'esprit que les problèmes d'interprétation 
  l'éloignent parfois de l'essence de l'objet représenté. 
  C'est en cela que Platon dénonce la déficience de la représentation 
  par rapport à son objet : une peinture pas exemple n'est qu'en deux dimensions, 
  elle ne transmet pas les sons ni les odeurs
 A priori, la représentation 
  semble donc être une création inspirée du réel mais 
  condamnée à rester à un statut inférieur à 
  lui.
  Dans ce premier argument, nous avons constaté que l'existence précède 
  la représentation, mais ceci est discutable. En effet, il est tout à 
  fait possible d'associer des concepts existant pour créer la représentation 
  d'un objet qui n'existe pas dans la réalité. Ainsi nous pouvons 
  nous représenter une montagne d'or ou un soleil vert par exemple. C'est 
  donc que dans une première partie nous avons sous-estimé la puissance 
  créatrice de l'imagination humaine.
  De plus, si nous avons établi que la représentation est une création, 
  encore convient-il de remarquer qu'il s'agit d'une représentation fondamentalement 
  différente du réel. En effet, chaque représentation contient 
  une " touche d'humanité " puisque étant créée 
  par l'homme, et cela contrairement aux réalités du monde. Hegel 
  affirme que toute représentation est d'abord et avant tout représentation 
  de soi, elle n'est donc pas objective au sens où l'homme n'est pas extérieur 
  à elle. Aristote la qualifie de " mimesis " au sens de stylisation. 
  Pour ce dernier, le rôle de la représentation n'est pas par exemple 
  de peindre les hommes tels qu'ils sont, mais de les rendre pire ou meilleurs 
  à travers la comédie ou la tragédie, toutes deux des composantes 
  de la " poiésis ". Pour Aristote, exacerber des caractères 
  mélioratifs ou péjoratifs d'un objet nous permettent de le percevoir 
  avec plus de justesse, de la même manière qu'une caricature peut 
  plus ressembler à son original qu'une description réaliste par 
  exemple. La représentation est alors une création à part 
  entière, l'uvre achevée est indépendante de l'objet 
  visé, la preuve en est que parfois elle dépasse même la 
  maîtrise de son auteur, comme ce fut le cas pour Pygmalion, dans les Métamorphose 
  d'Ovide, ce sculpteur a confondu son uvre une fois achevée avec 
  une vraie femme. Il apparaît donc ici que la représentation ne 
  vise pas la copie du réel, mais qu'en plus elle parvient parfois à 
  le dépasser : la représentation n'est pas toujours déficiente 
  en comparaison avec son objet comme l'affirmait Platon.
  De plus, si la représentation ne vise pas toujours la copie conforme 
  des choses de la nature, elle ne peut en aucun cas l'atteindre. En effet, pour 
  qualifier un objet de copie, il faudrait pouvoir comparer la représentation 
  avec l'objet représenté, et ceci très précisément. 
  Or l'accès à l'essence de ces deux objets nous est impossible 
  puisque l'objet ne se donne à l'homme que par la médiation de 
  la représentation. On ne peut donc ni affirmer le caractère représentatif 
  de nos représentations, ni l'infirmer. Habituellement nous nous contentons 
  de le supposer sans pouvoir véritablement le vérifier : on ne 
  peut donc en aucun cas qualifier quelque représentation que ce soit de 
  copie conforme.
 Finalement, à l'issue de cette première partie, 
  il apparaît que la représentation est effectivement une création 
  à partir du réel, qu'elle s'en inspire même si elle ne cherche 
  pas pour la plupart du temps à le plagier sans autre finalité, 
  et d'ailleurs l'on ne peut véritablement établir le degré 
  de ressemblance, de représentativité de la représentation. 
  C'est donc que l'intérêt de la représentation ne réside 
  pas dans la réalisation d'une copie conforme. C'est une création 
  à partir du réel, certes, mais elle le dépasse largement. 
  Voyons désormais en quoi la représentation dépasse la copie, 
  en quoi elle dépasse le réel.
 La représentation ne se contente pas de représenter, 
  elle est plus que des traits plus ou moins ordonnés sur un tableau par 
  exemple ou des notes de musique enchaînées les-unes aux-autres 
  par exemple. La représentation a de plus le pouvoir de suggérer, 
  de laisser au spectateur la possibilité d'imaginer ce qui lui manque, 
  à savoir les odeurs, les bruits pour un tableau par exemple. Ainsi de 
  nombreux critiques littéraires affirment le caractère bruyant 
  des peintures de Delacroix par exemple en comparaison avec d'autres artistes. 
  Par ailleurs, la représentation dépasse l'objet représenté 
  quant à sa dimension puisqu'elle est double. En effet, comme une mélodie 
  fait oublier au spectateur sa matérialité, c'est-à-dire 
  une succession de bruits divers, la représentation en général 
  possède cette double dimension qu'est son support matériel et 
  ce qu'elle représente. Ainsi elle est plus que l'objet représenté 
  qui lui n'a qu'une seule de ces dimensions. La représentation matérielle 
  dépasse le réel et donc la copie puisque toute copie parfaite 
  deviendrait alors le réel et non plus une représentation. Etudions 
  désormais le cas particulier des représentations mentales.
  Nos représentations mentales correspondent à l'idée que 
  l'on se fait mentalement de tel ou tel objet par exemple. Les diverses philosophies 
  ne s'accordent pas pour les définir ou en préciser l'origine, 
  mais beaucoup s'accordent cependant à les élever à un degré 
  supérieur à celui de la simple copie. Les théories empiristes 
  considèrent que nos représentations mentales proviennent de l'expérience, 
  c'est-à-dire que nos synthétisons tout les caractères propres 
  à des types d'objets pour créer l'idée que nous avons mentalement 
  de ces objets. Il existe donc ici une intervention humaine volontaire ou on, 
  mais le résultat est que nos représentations mentales ne sont 
  pas tout à fait des copies du réel, mais une synthèse de 
  sa multiplicité. L'inspiration de la représentation à partir 
  du réel est donc dépassée par l'intervention mentale. Que 
  la théorie empiriste soit effective ou non importe peu dans le cadre 
  de cette réflexion, voyons désormais comment des théories 
  opposées aboutissent à la même conclusion.
  Descartes qualifie certaines de nos représentations mentale d' " 
  idées claires et distinctes ". Ce sont des idées que chaque 
  individu possède selon lui dès la naissance, elles sont innées, 
  et concernent Dieu notamment : l'une d'entre elles serait l'existence de Dieu. 
  Ces représentations mentales sont évidemment supérieures 
  à la simple copie puisqu'elles sont intuitives et que surtout elles ne 
  visent pas d'objet matériel pouvant être plagié. La représentation 
  que nous avons de Dieu est pour Descartes bien supérieure à une 
  simple tentative de " copie de Dieu " : c'est une intuition, une source 
  de connaissance. Il en va de même avec la théorie kantienne quant 
  à ce qu'il nomme les Idées : Dieu, le Monde et l'Ame. Les représentations 
  que nous avons d'elles sont selon lui imparfaites puisque ces objets n'ont pas 
  de matérialité. Une copie serait donc irréalisable contrairement 
  à une représentation mentale certes imparfaites , mais existant 
  tout de même.
  De plus, la représentation en général dépasse la 
  passivité de la simple copie. En effet, elle peut être active, 
  et même donner un sens au réel contrairement à la copie 
  qui se limite à l'imitation. C'est ainsi que Hobbes dans le Léviathan 
  conçoit la représentation : à l'état de nature, 
  les hommes ne forment qu'une multitude, c'est la représentation qui donne 
  son unité au peuple par l'intermédiaire de pactes. Ainsi, la représentation 
  précède l'essence : il ne s'agit donc pas de re-présentation 
  comme il en était question en début de réflexion.
 Dans cette seconde partie, nous avons établi que la déficience 
  de la représentation par rapport à la copie ou au réel 
  ne se justifiait pas nécessairement, et certains contre-exemples nous 
  ont montré que la représentation pouvait dépasser largement 
  la copie quant à son intérêt, que son statut pouvait lui 
  être supérieur. Voyons désormais comment l'intérêt 
  supérieur qu'a la représentation sur la copie peut permettre à 
  l'homme de traduire et tenter de guérir ses angoisses profondes.
 Si l'on considère la représentation d'un point 
  de vue cartésien, alors il apparaît que sa caractéristique 
  essentielle est qu'elle nous donne quelque chose à connaître. Tous 
  conviennent que le réel ne nous est pas accessible directement mais par 
  la médiation qu'est la représentation, mais alors, si l'on se 
  contente de reproduire et non de représenter, quel sera son intérêt 
  au niveau de la connaissance ? Si nous ne comprenons pas le mécanisme 
  d'une réalité, tenter de le reproduire fidèlement sera 
  t-il efficace pour le découvrir ? Il semble que l'intérêt 
  de la représentation réside dans la simplification, et grâce 
  à cette simplification, l'on peut comprendre un mécanisme, tel 
  que le fonctionnement du corps humain par exemple, à l'aide de représentations 
  simplifiées et différenciées selon ses fonctions alors 
  qu'une maquette du corps humain trop complète ne le permettrait pas. 
  C'est cette simplification qui explique l'existence de signes, de symboles mathématiques. 
  Ainsi une intégrale noue permet de calculer une aire alors qu'une reproduction 
  de cette aire aboutirait à un résultat nettement moins précis. 
  C'est donc avec l'aide de la représentation et non de la copie que l'homme 
  peut tenter de satisfaire son désir de connaissance scientifique notamment, 
  mais la connaissance n'étant pas le seul remède à la " 
  misère de l'homme ", étudions désormais la traduction 
  des angoisses humaines à travers la représentation artistique. 
  
  Nous avons déjà constaté que la stylisation aristotélicienne 
  que constitue la mimesis permet à l'homme d'intervenir sur son uvre, 
  contrairement à la simple copie. Elle lui permet donc de s'exprimer, 
  de donner son avis, de dénoncer
 La représentation est donc 
  un moyen pour transmettre ses émotions contrairement à la copie, 
  et ainsi elle contribue à guérir nos angoisses intérieures. 
  Victor Hugo, dans son célèbre poème débutant par 
  : " Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
 
  " et paru dans les Contemplations, exprime la douleur due au décès 
  de sa fille Léopoldine. A travers ce poème, Hugo extériorise 
  sa peine et tente ainsi de l'apaiser. L'on pourrait donner de multiples exemples 
  d'autres représentations artistiques ayant pour objectif une " thérapie 
  " tels que Kafka dans la Métamorphose par exemple. C'est donc que 
  la représentations , contrairement à la simple copie qui n'exprime 
  rien de personnel, noue permet de nous délivrer de non passions, comme 
  l'explique Aristote dans la Poétique. En effet, pour ce dernier, la " 
  poiésis " doit nous faire ressentir terreur et pitié, c'est-à-dire 
  que nous voyons lors d'une représentation quelqu'un vivre des passions 
  que nous avons ou que nous ne pourrions avoir, nous les ressentons à 
  travers les acteurs avec une distance suffisante pour pouvoir les supporter, 
  et ainsi nous nous en guérissons. Il apparaît clairement ici que 
  la distance entre représentation et réalité est nécessaire, 
  la copie qui vise à détruire cette distance est donc moins intéressante 
  que la représentation.
  Finalement, de cette dernière partie il apparaît que représenter 
  ne signifie pas vouloir copier la nature, mais plutôt vouloir copier Dieu. 
  En effet, si la représentation purge nos passions, assouvit notre soif 
  de connaissance, il semble qu'elle exprime avant tout notre soif de création 
  : l'homme a été crée par Dieu pour de nombreuses religions, 
  il est seul sur Terre, il ne comprend pas les mécanismes de la nature 
  autour de lui, alors, conscient de sa misère, il tente d'y remédier 
  et cherche à comprendre, à s'améliorer et donc à 
  se libérer de ses passions et aussi il cherche à se venger de 
  son défaut de création : lui a été crée, 
  tout autour de lui a également été crée par un tiers, 
  alors lui aussi veut créer quelque chose de personnel. C'est donc que 
  la représentation lui permet d'exprimer son hybris alors que la copie 
  le résignait à la condition de créature, et non de créateur.
  A travers cette réflexion, il apparaît que la représentation 
  est effectivement une création, et même si elle est parfois une 
  copie créatrice, elle ne peut que détenir une quelque influence 
  humaine puisque étant créée par l'homme. La création 
  humaine qu'est la représentation n'est pas " moins bonne " 
  que la copie d'une objet crée par Dieu, au contraire, puisque nous avons 
  vu que l'intérêt de l'homme était plus grand pour la représentation 
  que pour la copie : elle purge jusqu'à ses angoisses les plus profondes. 
  De tout cela il semblerait logique de conclure que représentation et 
  copie diffèrent de toutes parts, et pourtant ce n'est pas le cas : dire 
  que la copie est une forme de représentation mais que la représentation 
  n'est pas incluse dans le concept de copie est insuffisant. En effet, si la 
  représentation n'est pas une copie, elle traduit l'expression d'une copie 
  : celle de l'activité divine. En créant, l'homme veut égaler 
  Dieu, commettant ainsi le péché d'hybris et en recherchant la 
  perfection dans sa représentation (le Beau par exemple), il veut dépasser 
  Dieu puisque nous, sa créature, ne sommes pas parfaits, traduisant ainsi 
  son syndrome de Pygmalion.