Copie et représentation

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

Cette copie a été notée : 14 / 20

Commentaire du professeur : Il y a un effort de travail et de réflexion. Les problèmes essebtiels sont perçus et traités. C'est un bon devoir.


La définition première que l'on donne habituellement à la notion de représentation est la re-présentation, c'est-à-dire une autre présentation de quelque chose existant, représenter peut alors vouloir dire donner quelque chose à voir, évoquer quelque chose d'absent… C'est donc que la représentation renvoie toujours à un objet préexistant, et en cela on pourrait dire qu'elle tente d'imiter la nature pour la remplacer par exemple, pour s'en inspirer. Et si son objectif prioritaire est la copie conforme au réel, que est son intérêt, sachant qu'une reproduction parfaite est elle même impossible sans quoi elle devient l'objet initial ? Mais par ailleurs, si la représentation ne cherche pas à copier le réel, elle s'en éloigne, n'y a-t-il pas alors un risque de déconnexion de la représentation ? Quel serait alors son intérêt ? Il y a donc un rapport subtil entre ressemblance et dissemblance interne au concept même de représentation. La représentation se trouverait ainsi à la charnière entre création et imitation, puisqu'elle veut rester fidèle à son objet sans pour autant l'imiter totalement. Ses objectifs étant l'Art, la Connaissance… se pourrait-il que ces nobles recherches ne se basent que sur une vulgaire tentative d'imitation par ailleurs irrémédiablement vouée à l'échec ? Dans cette réflexion, nous tenterons de résoudre ces difficultés et pour cela nous analyserons en quoi la représentation est une création s'inspirant de la réalité, puis en quoi elle dépasse cette réalité et finalement comment à partir de sa relation ressemblance / dissemblance elle parvient à traduire et apaiser les angoisses de l'homme les plus profondes contrairement à la copie.


Il apparaît clairement que la représentation est une activité humaine de création. Mais l'on ne peut nier qu'elle ne puisse se transcender à partir d'elle même, c'est-à-dire qu'elle ne puisse dépasser sa propre condition basée sur la préexistence de l'objet représenté à partir d'elle même. En effet, l'homme ne peut représenter que ce qui existe déjà, et même si sa faculté imaginative est puissante, il ne peut représenter les créations technologiques non encore découvertes par exemple. C'est donc que la représentation se base sur un objet existant, et cela même si elle ne se veut pas réaliste ni figurative. En effet, Picasso dans son très célèbre tableau Guernica ne reproduit pas à l'identique une scène de guerre, sa peinture n'est pas figurative, mais elle se base néanmoins sur des faits réels. La représentation rapporte donc des faits, des existences et cela parfois même inconsciemment. En cela, l'on pourrait qualifier la représentation d'imitation, ou plutôt de tentative d'imitation, tout en gardant à l'esprit que les problèmes d'interprétation l'éloignent parfois de l'essence de l'objet représenté. C'est en cela que Platon dénonce la déficience de la représentation par rapport à son objet : une peinture pas exemple n'est qu'en deux dimensions, elle ne transmet pas les sons ni les odeurs… A priori, la représentation semble donc être une création inspirée du réel mais condamnée à rester à un statut inférieur à lui.
Dans ce premier argument, nous avons constaté que l'existence précède la représentation, mais ceci est discutable. En effet, il est tout à fait possible d'associer des concepts existant pour créer la représentation d'un objet qui n'existe pas dans la réalité. Ainsi nous pouvons nous représenter une montagne d'or ou un soleil vert par exemple. C'est donc que dans une première partie nous avons sous-estimé la puissance créatrice de l'imagination humaine.
De plus, si nous avons établi que la représentation est une création, encore convient-il de remarquer qu'il s'agit d'une représentation fondamentalement différente du réel. En effet, chaque représentation contient une " touche d'humanité " puisque étant créée par l'homme, et cela contrairement aux réalités du monde. Hegel affirme que toute représentation est d'abord et avant tout représentation de soi, elle n'est donc pas objective au sens où l'homme n'est pas extérieur à elle. Aristote la qualifie de " mimesis " au sens de stylisation. Pour ce dernier, le rôle de la représentation n'est pas par exemple de peindre les hommes tels qu'ils sont, mais de les rendre pire ou meilleurs à travers la comédie ou la tragédie, toutes deux des composantes de la " poiésis ". Pour Aristote, exacerber des caractères mélioratifs ou péjoratifs d'un objet nous permettent de le percevoir avec plus de justesse, de la même manière qu'une caricature peut plus ressembler à son original qu'une description réaliste par exemple. La représentation est alors une création à part entière, l'œuvre achevée est indépendante de l'objet visé, la preuve en est que parfois elle dépasse même la maîtrise de son auteur, comme ce fut le cas pour Pygmalion, dans les Métamorphose d'Ovide, ce sculpteur a confondu son œuvre une fois achevée avec une vraie femme. Il apparaît donc ici que la représentation ne vise pas la copie du réel, mais qu'en plus elle parvient parfois à le dépasser : la représentation n'est pas toujours déficiente en comparaison avec son objet comme l'affirmait Platon.
De plus, si la représentation ne vise pas toujours la copie conforme des choses de la nature, elle ne peut en aucun cas l'atteindre. En effet, pour qualifier un objet de copie, il faudrait pouvoir comparer la représentation avec l'objet représenté, et ceci très précisément. Or l'accès à l'essence de ces deux objets nous est impossible puisque l'objet ne se donne à l'homme que par la médiation de la représentation. On ne peut donc ni affirmer le caractère représentatif de nos représentations, ni l'infirmer. Habituellement nous nous contentons de le supposer sans pouvoir véritablement le vérifier : on ne peut donc en aucun cas qualifier quelque représentation que ce soit de copie conforme.

Finalement, à l'issue de cette première partie, il apparaît que la représentation est effectivement une création à partir du réel, qu'elle s'en inspire même si elle ne cherche pas pour la plupart du temps à le plagier sans autre finalité, et d'ailleurs l'on ne peut véritablement établir le degré de ressemblance, de représentativité de la représentation. C'est donc que l'intérêt de la représentation ne réside pas dans la réalisation d'une copie conforme. C'est une création à partir du réel, certes, mais elle le dépasse largement. Voyons désormais en quoi la représentation dépasse la copie, en quoi elle dépasse le réel.

La représentation ne se contente pas de représenter, elle est plus que des traits plus ou moins ordonnés sur un tableau par exemple ou des notes de musique enchaînées les-unes aux-autres par exemple. La représentation a de plus le pouvoir de suggérer, de laisser au spectateur la possibilité d'imaginer ce qui lui manque, à savoir les odeurs, les bruits pour un tableau par exemple. Ainsi de nombreux critiques littéraires affirment le caractère bruyant des peintures de Delacroix par exemple en comparaison avec d'autres artistes. Par ailleurs, la représentation dépasse l'objet représenté quant à sa dimension puisqu'elle est double. En effet, comme une mélodie fait oublier au spectateur sa matérialité, c'est-à-dire une succession de bruits divers, la représentation en général possède cette double dimension qu'est son support matériel et ce qu'elle représente. Ainsi elle est plus que l'objet représenté qui lui n'a qu'une seule de ces dimensions. La représentation matérielle dépasse le réel et donc la copie puisque toute copie parfaite deviendrait alors le réel et non plus une représentation. Etudions désormais le cas particulier des représentations mentales.
Nos représentations mentales correspondent à l'idée que l'on se fait mentalement de tel ou tel objet par exemple. Les diverses philosophies ne s'accordent pas pour les définir ou en préciser l'origine, mais beaucoup s'accordent cependant à les élever à un degré supérieur à celui de la simple copie. Les théories empiristes considèrent que nos représentations mentales proviennent de l'expérience, c'est-à-dire que nos synthétisons tout les caractères propres à des types d'objets pour créer l'idée que nous avons mentalement de ces objets. Il existe donc ici une intervention humaine volontaire ou on, mais le résultat est que nos représentations mentales ne sont pas tout à fait des copies du réel, mais une synthèse de sa multiplicité. L'inspiration de la représentation à partir du réel est donc dépassée par l'intervention mentale. Que la théorie empiriste soit effective ou non importe peu dans le cadre de cette réflexion, voyons désormais comment des théories opposées aboutissent à la même conclusion.
Descartes qualifie certaines de nos représentations mentale d' " idées claires et distinctes ". Ce sont des idées que chaque individu possède selon lui dès la naissance, elles sont innées, et concernent Dieu notamment : l'une d'entre elles serait l'existence de Dieu. Ces représentations mentales sont évidemment supérieures à la simple copie puisqu'elles sont intuitives et que surtout elles ne visent pas d'objet matériel pouvant être plagié. La représentation que nous avons de Dieu est pour Descartes bien supérieure à une simple tentative de " copie de Dieu " : c'est une intuition, une source de connaissance. Il en va de même avec la théorie kantienne quant à ce qu'il nomme les Idées : Dieu, le Monde et l'Ame. Les représentations que nous avons d'elles sont selon lui imparfaites puisque ces objets n'ont pas de matérialité. Une copie serait donc irréalisable contrairement à une représentation mentale certes imparfaites , mais existant tout de même.
De plus, la représentation en général dépasse la passivité de la simple copie. En effet, elle peut être active, et même donner un sens au réel contrairement à la copie qui se limite à l'imitation. C'est ainsi que Hobbes dans le Léviathan conçoit la représentation : à l'état de nature, les hommes ne forment qu'une multitude, c'est la représentation qui donne son unité au peuple par l'intermédiaire de pactes. Ainsi, la représentation précède l'essence : il ne s'agit donc pas de re-présentation comme il en était question en début de réflexion.

Dans cette seconde partie, nous avons établi que la déficience de la représentation par rapport à la copie ou au réel ne se justifiait pas nécessairement, et certains contre-exemples nous ont montré que la représentation pouvait dépasser largement la copie quant à son intérêt, que son statut pouvait lui être supérieur. Voyons désormais comment l'intérêt supérieur qu'a la représentation sur la copie peut permettre à l'homme de traduire et tenter de guérir ses angoisses profondes.

Si l'on considère la représentation d'un point de vue cartésien, alors il apparaît que sa caractéristique essentielle est qu'elle nous donne quelque chose à connaître. Tous conviennent que le réel ne nous est pas accessible directement mais par la médiation qu'est la représentation, mais alors, si l'on se contente de reproduire et non de représenter, quel sera son intérêt au niveau de la connaissance ? Si nous ne comprenons pas le mécanisme d'une réalité, tenter de le reproduire fidèlement sera t-il efficace pour le découvrir ? Il semble que l'intérêt de la représentation réside dans la simplification, et grâce à cette simplification, l'on peut comprendre un mécanisme, tel que le fonctionnement du corps humain par exemple, à l'aide de représentations simplifiées et différenciées selon ses fonctions alors qu'une maquette du corps humain trop complète ne le permettrait pas. C'est cette simplification qui explique l'existence de signes, de symboles mathématiques. Ainsi une intégrale noue permet de calculer une aire alors qu'une reproduction de cette aire aboutirait à un résultat nettement moins précis. C'est donc avec l'aide de la représentation et non de la copie que l'homme peut tenter de satisfaire son désir de connaissance scientifique notamment, mais la connaissance n'étant pas le seul remède à la " misère de l'homme ", étudions désormais la traduction des angoisses humaines à travers la représentation artistique.
Nous avons déjà constaté que la stylisation aristotélicienne que constitue la mimesis permet à l'homme d'intervenir sur son œuvre, contrairement à la simple copie. Elle lui permet donc de s'exprimer, de donner son avis, de dénoncer… La représentation est donc un moyen pour transmettre ses émotions contrairement à la copie, et ainsi elle contribue à guérir nos angoisses intérieures. Victor Hugo, dans son célèbre poème débutant par : " Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne… " et paru dans les Contemplations, exprime la douleur due au décès de sa fille Léopoldine. A travers ce poème, Hugo extériorise sa peine et tente ainsi de l'apaiser. L'on pourrait donner de multiples exemples d'autres représentations artistiques ayant pour objectif une " thérapie " tels que Kafka dans la Métamorphose par exemple. C'est donc que la représentations , contrairement à la simple copie qui n'exprime rien de personnel, noue permet de nous délivrer de non passions, comme l'explique Aristote dans la Poétique. En effet, pour ce dernier, la " poiésis " doit nous faire ressentir terreur et pitié, c'est-à-dire que nous voyons lors d'une représentation quelqu'un vivre des passions que nous avons ou que nous ne pourrions avoir, nous les ressentons à travers les acteurs avec une distance suffisante pour pouvoir les supporter, et ainsi nous nous en guérissons. Il apparaît clairement ici que la distance entre représentation et réalité est nécessaire, la copie qui vise à détruire cette distance est donc moins intéressante que la représentation.
Finalement, de cette dernière partie il apparaît que représenter ne signifie pas vouloir copier la nature, mais plutôt vouloir copier Dieu. En effet, si la représentation purge nos passions, assouvit notre soif de connaissance, il semble qu'elle exprime avant tout notre soif de création : l'homme a été crée par Dieu pour de nombreuses religions, il est seul sur Terre, il ne comprend pas les mécanismes de la nature autour de lui, alors, conscient de sa misère, il tente d'y remédier et cherche à comprendre, à s'améliorer et donc à se libérer de ses passions et aussi il cherche à se venger de son défaut de création : lui a été crée, tout autour de lui a également été crée par un tiers, alors lui aussi veut créer quelque chose de personnel. C'est donc que la représentation lui permet d'exprimer son hybris alors que la copie le résignait à la condition de créature, et non de créateur.


A travers cette réflexion, il apparaît que la représentation est effectivement une création, et même si elle est parfois une copie créatrice, elle ne peut que détenir une quelque influence humaine puisque étant créée par l'homme. La création humaine qu'est la représentation n'est pas " moins bonne " que la copie d'une objet crée par Dieu, au contraire, puisque nous avons vu que l'intérêt de l'homme était plus grand pour la représentation que pour la copie : elle purge jusqu'à ses angoisses les plus profondes. De tout cela il semblerait logique de conclure que représentation et copie diffèrent de toutes parts, et pourtant ce n'est pas le cas : dire que la copie est une forme de représentation mais que la représentation n'est pas incluse dans le concept de copie est insuffisant. En effet, si la représentation n'est pas une copie, elle traduit l'expression d'une copie : celle de l'activité divine. En créant, l'homme veut égaler Dieu, commettant ainsi le péché d'hybris et en recherchant la perfection dans sa représentation (le Beau par exemple), il veut dépasser Dieu puisque nous, sa créature, ne sommes pas parfaits, traduisant ainsi son syndrome de Pygmalion.