Depuis 1945, la géographie européenne a connu 
de profondes mutations affectant les structures économiques et les sociétés 
dans leur dynamisme. De ces mutations, de nouvelles dynamiques territoriales ont 
émergé créant de nouvelles disparités socio-économiques 
régionales à la racine de problématiques politiques, économiques 
et sociales (Quelle Europe souhaitons-nous construire ?)
La description de cette évolution d'une géographie européenne 
contrastée s'explique à partir de l'action des agents économiques 
(Union Européenne (UE), Etats, entreprises…). Il en résulte 
de nouvelles dynamiques territoriales mais aussi de nouvelles disparités 
socio-économiques régionales au cœur d'enjeux futurs.  
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L'UE ne présente pas d'obstacles naturels majeurs au développement 
  de l'activité humaine (les percées alpines ayant déjà 
  été effectuées au XIX° siècle : Saint-Gothard…). 
  Pourtant si les latitudes tempérées permettent à l'Europe 
  de jouir de conditions climatiques et géologiques globalement satisfaisantes, 
  il n'en demeure pas moins une inégalité dans la localisation des 
  richesses naturelles et plus généralement dans les conditions 
  naturelles à l'organisation du territoire. Les hydrocarbures, plus encore 
  que le charbon, témoignent de ces déséquilibres : la production 
  modeste de l'Europe se concentrant sur les gisements de Mer du Nord. De même, 
  si l'ensemble des pays européens a un contact avec la mer (sauf Autriche 
  et Luxembourg), l'importance de celle-ci varie selon les pays en fonction du 
  poids des infrastructures portuaires. En effet, eu-delà de ces disparités 
  naturelles, l'organisation du territoire est commandé par les infrastructures. 
  Si les pays du Nord possèdent un réseau dense de voies de communication 
  (soulignons l'importance du réseau autoroutier allemand, de la Northern 
  Range qui concentre l'activité économique autour des grands ports 
  ou bien encore le canal Rhin-Main-Danube), l'Europe du Sud semble souffrir d'un 
  manque cruel d'infrastructures préjudiciables pour son développement 
  économique et pour la cohésion européenne. Face à 
  ces disparités dans l'organisation du territoire, il s'agit de voir l'hétérogénéité 
  des tissus socio-économiques.
  L'Europe se voulant culturellement plurielle, elle réunit des économies 
  qui se différencient par les structures économiques et par les 
  marchés de consommation et d'emploi. Effectivement l'unité de 
  l'UE n'existe pas. On ne saurait comparer le modèle allemand mû 
  par les géants industriels que sont les konzern avec le modèle 
  français plus tourné vers les PME ou même le modèle 
  britannique qui ne présente que deux groupes industriels parmi les 100 
  premiers mondiaux (Suisse : 3). De même en matière d'emploi, le 
  libéralisme britannique ne peut s'assimiler à l'Etat-Providence 
  suédois et français.
  Ces héritages de la géographie européenne vont connaître 
  de profondes évolutions depuis 1945. Certaines évolutions sont 
  communes à l'ensemble des pays. Au-delà des décalages dans 
  le temps, tout les pays européens vont connaître un processus d'urbanisation 
  nourri par un exode rural : c'est une Europe des villes qui voit le jour. De 
  même, c'est la fin du schéma wébérien (localisation 
  des productions au cœur des ressources) au profit d'une littoralisation 
  des économies et d'une implantation de l'activité économique 
  sur les zones de consommation (modèle fordiste). En effet, ceci se traduit 
  par le repli des pays noirs (Northumberland, Midlands, Lancashire, Borinage, 
  Lorraine…) au profit des centres urbains (bassin londonien, Paris, conurbation 
  de la Rhénanie…).
  Mais ces évolutions ont été permises grâce à 
  la révolution qui s'est opérée dans le monde rural. Intégration 
  de nouvelles technologies, ouverture de marchés et évolution des 
  productions ont permis à l'agriculture de libérer de la main d'œuvre 
  pour l'industrialisation et l'urbanisation Mais ces évolutions communes 
  ne doivent pas cacher les disparités entre pays. C'est en premier lieu 
  la concentration des pouvoirs au cœur du triangle Londres-Paris-Francfort) 
  qui surprend. Celui-ci réunit en effet pouvoirs politiques (Parlement, 
  Commission européenne, TPI à La Haye) et économiques (La 
  City, la BCE à Francfort). Cette Europe paraît d'autant plus centrée 
  sur cette zone à mesure des élargissements vers le nord et l'est 
  qui en déplace le centre de gravité. Ainsi s'opère une 
  fracture entre une Europe du Nord riche et dynamique et une Europe du Sud qui 
  cherche un nouveau souffle.
Cette géographie européenne en place au cours de 
  la seconde moitié du XX° siècle s'explique par les actions 
  entreprises par les agents économiques et politiques.
La création de la CECA en 1951 en regroupant la production 
  de charbon et d'acier de six pays allait être les prémisses d'une 
  action communautaire en matière d'aménagement du territoire. Pourtant 
  bien que le Traité de Rome (1957) intègre la nécessité 
  d'un " développement économique harmonieux ", les politiques 
  communautaires vont apparaître insuffisantes. L'action de la CEE afin 
  de réduire les déséquilibres structurels et territoriaux 
  va passer par la section orientation du FEOGA (action sur les structures agricoles), 
  le Fonds social européen (FSE) et surtout la création du FEDER 
  en 1975. Pourtant face aux besoins, les budgets ne sont pas à la hauteur. 
  Ainsi, le schéma anglo-saxon prônant une intervention sectorielle 
  et refusant une conception dirigiste (France, Espagne) et globalisante semble 
  l'emporter. C'est ainsi que les actions les plus notables en vue de lutter contre 
  les déséquilibres régionaux sont le fruit de Programmes 
  Intégrés Sectoriels (RENAVAL, RETEX, INTERREG…). C'est cette 
  même conception qui prime face au défi des élargissements 
  vers le sud : les PIM devant préparer les pays méditerranéens 
  à l'entrée de l'Espagne et de la Grèce dans la CEE. Cette 
  insuffisance des politiques communautaires qui s'ajoute à la carence 
  d'une politique commune des transports traduit la prépondérance 
  des politiques et des actions nationales.
  Les politiques d'aménagement du territoire ont dès leurs origines 
  été l'expression de volontés nationales. En effet, qu'il 
  s'agisse de la création de la Cassa per il Mezzogiorno en 1950, de la 
  DATAR en 1962 ou de la politique entreprise en 1965 en Allemagne, ces actions 
  visent à réduire les déséquilibres nationaux (entre 
  une Italie du Nord prospère et le Mezzogiorno exclut de la croissance 
  ou entre " Paris et le désert français " ) en se limitant 
  au cadre national et donc sans intégrer une démarche européenne. 
  Mais ce processus et bien plus frappant lors des mouvements conjoncturels ou 
  bien encore lors du retournement du marché de l'énergie. En effet, 
  ce dernier a été l'occasion de mettre au jour de profondes différences. 
  Le Royaume-Uni profitant des gisements d'hydrocarbures de Mer du Nord, l'Allemagne 
  se repliant sur le charbon de la Ruhr et la France choisissant le tout nucléaire 
  (plan Messmer 1974), aucune politique commune de l'énergie n'a pu être 
  mise en place accentuant ainsi les disparités socio-économiques 
  dans l'UE. De même, l'exemple de la sidérurgie témoigne 
  de cette incapacité : les Bresciani du Nord de l'Italie ultra compétitives 
  ne peuvent pas se plier aux exigences d'une sidérurgie française 
  en crise profonde.
  Pourtant, cette insuffisance de l'intégration européenne ne doit 
  pas occulter l'idée qu'aujourd'hui l'aménagement du territoire 
  ne peut-être pensé qu'à l'échelle européenne. 
  On s'achemine ainsi davantage vers une coopération qu'une intégration. 
  Ce processus est particulièrement frappant dans la mise en place de nouvelles 
  infrastructures. Ainsi, en 1965, l'ouverture du tunnel du Mont-Blanc consacre 
  une volonté unie des gouvernements français et italien. Plus encore, 
  l'ouverture du tunnel sous la Manche marque une étape décisive 
  dans l'aménagement du territoire européen : Londres - Paris s'effectuant 
  en trois heures. Cette nouvelle réalité se traduit par la mise 
  en place de bureaux au Parlement européen pour les régions qui 
  deviennent dès lors de véritables lobbies (constatons la puissance 
  de la Catalogne de Jordi Pujol à cet égard).
La diversité et la singularité des actions des 
  acteurs économiques expliquent l'évolution des dynamiques territoriales 
  et des disparités socio-économiques.
De fait l'Europe semble aujourd'hui constituée de grands 
  ensembles. C'est donc une Europe contrastée qui voit le jour. La " 
  Banane européenne " qui s'étend du bassin londonien à 
  la plaine du Pô concentre les pouvoirs et est le cœur névralgique 
  de l'activité économique. Cela est d'autant plus frappant lorsqu'on 
  souligne la densité et la qualité des infrastructures dans cette 
  zone. Rayonnant autour de cette " banane ", les franges dynamiques 
  présentent un paysage industriel et agricole important. Cette zone s'axe 
  autour de métropoles d'équilibre que peuvent être Barcelone 
  ou Toulouse. Il existe également des régions excentrées 
  à la recherche d'un nouveau souffle, d'un nouveau dynamisme et de nouvelles 
  solidarités. A ce titre l'arc Atlantique présente une Irlande 
  et une Ecosse qui ont su trouver la voie d'un dynamisme économique grâce 
  aux nouvelles technologies. L'Ecosse concentre ainsi près de 40% de la 
  production de PC dans le monde alors même que l'Irlande accueille Microsoft 
  pour implanter son siège social en Europe ou Gateway à Cork. On 
  peut enfin distinguer un quatrième groupe regroupant les périphéries 
  marginalisées à l'extérieur de l'orbite de croissance (Grèce…).
  Cette description des nouveaux ensembles de la géographie européenne 
  doit être mise en parallèle avec les enjeux territoriaux actuels 
  ou à venir.
  Aujourd'hui, le développement du tourisme, notamment intra européen 
  participe à une redistribution des richesses entre le Nord et le Sud. 
  Ainsi, l'Estrémadure, la Murcie ou l'Andalousie bien qu'ayant des taux 
  de chômage records constituent des pôles majeurs du tourisme en 
  Espagne. De même l'idée même d'ensembles régionaux 
  semble être menacée par le " phénomène des Suds 
  ". La Bavière, le Kent ou la French Riviera connaissent une croissance 
  économique importante. Mais plus fondamentalement, c'est l'idée 
  de " dynamiques territoriales " qui semble être remise en cause 
  par le développement des nouvelles technologies de l'information et de 
  la communication (NTIC). Si des pôles comme Rennes, Bordeaux ou Toulouse 
  ont su y trouver un nouveau souffle, l'exemple de Tiscali semble très 
  instructif. Tiscali est aujourd'hui la 2° entreprise italienne en chiffre 
  d'affaires et est le 2° fournisseur d'accès à Internet en 
  Europe. Pourtant son siège social se situe à Cagliari (Sardaigne) 
  ce qui est pour le moins étonnant. Mais les NTIC ont un apport paradoxal 
  sur le territoire. En effet, si elles peuvent être l'occasion de réduire 
  des disparités socio-économiques régionales, elles participent 
  néanmoins, largement à l'urbanisation et à la concentration 
  des pouvoirs (l'Ile de France représente ¾ des services en France)
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Aujourd'hui, la géographie européenne paraît 
  de plus en plus complexe à mesure que les liens d'interdépendance 
  unissent les acteurs économiques. Pourtant les déséquilibres 
  territoriaux restent présent et révèlent toutes les ambiguïtés 
  et les insuffisances de la construction européenne.
  Aujourd'hui, il s'agit de repenser les dynamiques territoriales qui apparaissent 
  plus que jamais comme des problématiques centrales dans le cadre de la 
  mondialisation.