Les dynamiques territoriales et les disparités socio-économiques régionales dans l’Union Européenne entre 1945 et 2000

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 64 - Pau - Lycée Louis Barthou

Cette copie a été notée : 18 / 20

Commentaire du professeur : Une démarche singulière, intéressante. Une argumentation étoffée et précise… Votre travail témoigne d’une réelle capacité de réflexion. Un croquis riche mais peu lisible.


Depuis 1945, la géographie européenne a connu de profondes mutations affectant les structures économiques et les sociétés dans leur dynamisme. De ces mutations, de nouvelles dynamiques territoriales ont émergé créant de nouvelles disparités socio-économiques régionales à la racine de problématiques politiques, économiques et sociales (Quelle Europe souhaitons-nous construire ?)
La description de cette évolution d'une géographie européenne contrastée s'explique à partir de l'action des agents économiques (Union Européenne (UE), Etats, entreprises…). Il en résulte de nouvelles dynamiques territoriales mais aussi de nouvelles disparités socio-économiques régionales au cœur d'enjeux futurs.

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L'UE ne présente pas d'obstacles naturels majeurs au développement de l'activité humaine (les percées alpines ayant déjà été effectuées au XIX° siècle : Saint-Gothard…). Pourtant si les latitudes tempérées permettent à l'Europe de jouir de conditions climatiques et géologiques globalement satisfaisantes, il n'en demeure pas moins une inégalité dans la localisation des richesses naturelles et plus généralement dans les conditions naturelles à l'organisation du territoire. Les hydrocarbures, plus encore que le charbon, témoignent de ces déséquilibres : la production modeste de l'Europe se concentrant sur les gisements de Mer du Nord. De même, si l'ensemble des pays européens a un contact avec la mer (sauf Autriche et Luxembourg), l'importance de celle-ci varie selon les pays en fonction du poids des infrastructures portuaires. En effet, eu-delà de ces disparités naturelles, l'organisation du territoire est commandé par les infrastructures. Si les pays du Nord possèdent un réseau dense de voies de communication (soulignons l'importance du réseau autoroutier allemand, de la Northern Range qui concentre l'activité économique autour des grands ports ou bien encore le canal Rhin-Main-Danube), l'Europe du Sud semble souffrir d'un manque cruel d'infrastructures préjudiciables pour son développement économique et pour la cohésion européenne. Face à ces disparités dans l'organisation du territoire, il s'agit de voir l'hétérogénéité des tissus socio-économiques.
L'Europe se voulant culturellement plurielle, elle réunit des économies qui se différencient par les structures économiques et par les marchés de consommation et d'emploi. Effectivement l'unité de l'UE n'existe pas. On ne saurait comparer le modèle allemand mû par les géants industriels que sont les konzern avec le modèle français plus tourné vers les PME ou même le modèle britannique qui ne présente que deux groupes industriels parmi les 100 premiers mondiaux (Suisse : 3). De même en matière d'emploi, le libéralisme britannique ne peut s'assimiler à l'Etat-Providence suédois et français.
Ces héritages de la géographie européenne vont connaître de profondes évolutions depuis 1945. Certaines évolutions sont communes à l'ensemble des pays. Au-delà des décalages dans le temps, tout les pays européens vont connaître un processus d'urbanisation nourri par un exode rural : c'est une Europe des villes qui voit le jour. De même, c'est la fin du schéma wébérien (localisation des productions au cœur des ressources) au profit d'une littoralisation des économies et d'une implantation de l'activité économique sur les zones de consommation (modèle fordiste). En effet, ceci se traduit par le repli des pays noirs (Northumberland, Midlands, Lancashire, Borinage, Lorraine…) au profit des centres urbains (bassin londonien, Paris, conurbation de la Rhénanie…).
Mais ces évolutions ont été permises grâce à la révolution qui s'est opérée dans le monde rural. Intégration de nouvelles technologies, ouverture de marchés et évolution des productions ont permis à l'agriculture de libérer de la main d'œuvre pour l'industrialisation et l'urbanisation Mais ces évolutions communes ne doivent pas cacher les disparités entre pays. C'est en premier lieu la concentration des pouvoirs au cœur du triangle Londres-Paris-Francfort) qui surprend. Celui-ci réunit en effet pouvoirs politiques (Parlement, Commission européenne, TPI à La Haye) et économiques (La City, la BCE à Francfort). Cette Europe paraît d'autant plus centrée sur cette zone à mesure des élargissements vers le nord et l'est qui en déplace le centre de gravité. Ainsi s'opère une fracture entre une Europe du Nord riche et dynamique et une Europe du Sud qui cherche un nouveau souffle.

Cette géographie européenne en place au cours de la seconde moitié du XX° siècle s'explique par les actions entreprises par les agents économiques et politiques.

La création de la CECA en 1951 en regroupant la production de charbon et d'acier de six pays allait être les prémisses d'une action communautaire en matière d'aménagement du territoire. Pourtant bien que le Traité de Rome (1957) intègre la nécessité d'un " développement économique harmonieux ", les politiques communautaires vont apparaître insuffisantes. L'action de la CEE afin de réduire les déséquilibres structurels et territoriaux va passer par la section orientation du FEOGA (action sur les structures agricoles), le Fonds social européen (FSE) et surtout la création du FEDER en 1975. Pourtant face aux besoins, les budgets ne sont pas à la hauteur. Ainsi, le schéma anglo-saxon prônant une intervention sectorielle et refusant une conception dirigiste (France, Espagne) et globalisante semble l'emporter. C'est ainsi que les actions les plus notables en vue de lutter contre les déséquilibres régionaux sont le fruit de Programmes Intégrés Sectoriels (RENAVAL, RETEX, INTERREG…). C'est cette même conception qui prime face au défi des élargissements vers le sud : les PIM devant préparer les pays méditerranéens à l'entrée de l'Espagne et de la Grèce dans la CEE. Cette insuffisance des politiques communautaires qui s'ajoute à la carence d'une politique commune des transports traduit la prépondérance des politiques et des actions nationales.
Les politiques d'aménagement du territoire ont dès leurs origines été l'expression de volontés nationales. En effet, qu'il s'agisse de la création de la Cassa per il Mezzogiorno en 1950, de la DATAR en 1962 ou de la politique entreprise en 1965 en Allemagne, ces actions visent à réduire les déséquilibres nationaux (entre une Italie du Nord prospère et le Mezzogiorno exclut de la croissance ou entre " Paris et le désert français " ) en se limitant au cadre national et donc sans intégrer une démarche européenne. Mais ce processus et bien plus frappant lors des mouvements conjoncturels ou bien encore lors du retournement du marché de l'énergie. En effet, ce dernier a été l'occasion de mettre au jour de profondes différences. Le Royaume-Uni profitant des gisements d'hydrocarbures de Mer du Nord, l'Allemagne se repliant sur le charbon de la Ruhr et la France choisissant le tout nucléaire (plan Messmer 1974), aucune politique commune de l'énergie n'a pu être mise en place accentuant ainsi les disparités socio-économiques dans l'UE. De même, l'exemple de la sidérurgie témoigne de cette incapacité : les Bresciani du Nord de l'Italie ultra compétitives ne peuvent pas se plier aux exigences d'une sidérurgie française en crise profonde.
Pourtant, cette insuffisance de l'intégration européenne ne doit pas occulter l'idée qu'aujourd'hui l'aménagement du territoire ne peut-être pensé qu'à l'échelle européenne. On s'achemine ainsi davantage vers une coopération qu'une intégration. Ce processus est particulièrement frappant dans la mise en place de nouvelles infrastructures. Ainsi, en 1965, l'ouverture du tunnel du Mont-Blanc consacre une volonté unie des gouvernements français et italien. Plus encore, l'ouverture du tunnel sous la Manche marque une étape décisive dans l'aménagement du territoire européen : Londres - Paris s'effectuant en trois heures. Cette nouvelle réalité se traduit par la mise en place de bureaux au Parlement européen pour les régions qui deviennent dès lors de véritables lobbies (constatons la puissance de la Catalogne de Jordi Pujol à cet égard).

La diversité et la singularité des actions des acteurs économiques expliquent l'évolution des dynamiques territoriales et des disparités socio-économiques.

De fait l'Europe semble aujourd'hui constituée de grands ensembles. C'est donc une Europe contrastée qui voit le jour. La " Banane européenne " qui s'étend du bassin londonien à la plaine du Pô concentre les pouvoirs et est le cœur névralgique de l'activité économique. Cela est d'autant plus frappant lorsqu'on souligne la densité et la qualité des infrastructures dans cette zone. Rayonnant autour de cette " banane ", les franges dynamiques présentent un paysage industriel et agricole important. Cette zone s'axe autour de métropoles d'équilibre que peuvent être Barcelone ou Toulouse. Il existe également des régions excentrées à la recherche d'un nouveau souffle, d'un nouveau dynamisme et de nouvelles solidarités. A ce titre l'arc Atlantique présente une Irlande et une Ecosse qui ont su trouver la voie d'un dynamisme économique grâce aux nouvelles technologies. L'Ecosse concentre ainsi près de 40% de la production de PC dans le monde alors même que l'Irlande accueille Microsoft pour implanter son siège social en Europe ou Gateway à Cork. On peut enfin distinguer un quatrième groupe regroupant les périphéries marginalisées à l'extérieur de l'orbite de croissance (Grèce…).
Cette description des nouveaux ensembles de la géographie européenne doit être mise en parallèle avec les enjeux territoriaux actuels ou à venir.
Aujourd'hui, le développement du tourisme, notamment intra européen participe à une redistribution des richesses entre le Nord et le Sud. Ainsi, l'Estrémadure, la Murcie ou l'Andalousie bien qu'ayant des taux de chômage records constituent des pôles majeurs du tourisme en Espagne. De même l'idée même d'ensembles régionaux semble être menacée par le " phénomène des Suds ". La Bavière, le Kent ou la French Riviera connaissent une croissance économique importante. Mais plus fondamentalement, c'est l'idée de " dynamiques territoriales " qui semble être remise en cause par le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Si des pôles comme Rennes, Bordeaux ou Toulouse ont su y trouver un nouveau souffle, l'exemple de Tiscali semble très instructif. Tiscali est aujourd'hui la 2° entreprise italienne en chiffre d'affaires et est le 2° fournisseur d'accès à Internet en Europe. Pourtant son siège social se situe à Cagliari (Sardaigne) ce qui est pour le moins étonnant. Mais les NTIC ont un apport paradoxal sur le territoire. En effet, si elles peuvent être l'occasion de réduire des disparités socio-économiques régionales, elles participent néanmoins, largement à l'urbanisation et à la concentration des pouvoirs (l'Ile de France représente ¾ des services en France)

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Aujourd'hui, la géographie européenne paraît de plus en plus complexe à mesure que les liens d'interdépendance unissent les acteurs économiques. Pourtant les déséquilibres territoriaux restent présent et révèlent toutes les ambiguïtés et les insuffisances de la construction européenne.
Aujourd'hui, il s'agit de repenser les dynamiques territoriales qui apparaissent plus que jamais comme des problématiques centrales dans le cadre de la mondialisation.