Population et croissance économique au Japon deppuis 1945.

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 75 - Paris - Collège Stanislas

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Commentaire du professeur : Un excellent niveau de connaissances et une problématique qui soulève la plupart des grands enjeux du sujet. Il aurait fallu toutefois insister davantage sur la remise en cause du lien entre croissance et population depuis le début des années 1990,dans un cadre de mondialisation. Mais ce travail est en progrès spectaculaire comparé à vos devoirs précédents.


Selon Bodin , " il n'est de richesse que d'hommes " c'est-à-dire que la richesse d'un pays ne repose pas sur la quantité de métaux précieux qu'il possède mais sur sa population. Or la population est l'ensemble des personnes sur un territoire donné, originaires de ce territoire ou étrangères, à un moment donné et qui se modifie selon trois constantes : la natalité, la mortalité et la migration. La croissance peut être un développement durable de la production, de la consommation, des exportations…La croissance ,si elle peut être appréhendée qualitativement, comme dirait Schumpeter, est un processus de destruction créatrice, mais elle est surtout caractérisée quantitativement .Comment alors caractériser la population et la croissance au Japon depuis 1945 ?Quel est le rôle de la population sur la croissance ?La croissance influe-t-elle aussi sur l 'évolution de la population ?Si la population japonaise est au service de la croissance du pays ,la croissance repose essentiellement sur la marché intérieur pendant la période de haute croissance même si elle tire avantage d'autres facteurs.

La population japonaise est travailleuse et nombreuse. Elle est à la recherche perpétuelle du consensus mais toutes ses capacités ne sont pas encore exploitées.
En 1945,le Japon sort de la guerre détruit .Il y a eu deux millions de morts et quatre millions de blessés. De plus, environ cinq millions de militaires et de colons sont rapatriés de l'étranger. Or la population est déjà nombreuse sur un territoire limité. Le taux de natalité est fort puisqu'il atteint le chiffre de 32 pour 1000 de 1945 à 1948.Ainsi une loi eugénique est mise en place en 1948 pour limiter le nombre des naissances .C'est la première fois dans le monde qu'on lie croissance et nombre de la population. Une population trop nombreuse pourrait affecter la croissance. La baisse de la natalité est progressive. Le taux de natalité est 24 pour 1000 dans les années 1950.
Si la population japonaise est nombreuse ,atteignant les 75 millions d'individus dans les années 1950,elle est travailleuse et de ce fait sert la croissance. La population active passe de 58 à 68 millions de 1958 à 1968.Elle prend peu de congés, ceux-ci étant mal considérés. La population est éduquée et cela depuis l'ère Meiji où l'école a été rendu obligatoire dès 1868.Le niveau d'éducation du pays est élevé. Le taux d'alphabétisation atteint les 99% en 2000 ce qui est remarquable. Ainsi, elle a les meilleures dispositions pour servir la croissance.
Enfin ,la population japonaise est docile et épargne par atavisme culturel mais aussi par nécessité. Elle a toujours été prête au sacrifice pour soutenir son pays. Le niveau de l'épargne atteint les 30% du produit intérieur brut (PIB) dans les années 1970 ce qui correspond à 20% du revenu disponible. Cette épargne est transformée par la banque du keiretsu ,grand conglomérat , en investissement pour les entreprises. Ainsi, celles-ci peuvent se moderniser et favoriser la croissance de leur production.

La population japonaise recherche perpétuellement le consensus. Cela résulte de leur appartenance au confucianisme qui repose sur le respect des éléments naturels, l'harmonie dans la société et une hiérarchie immuable. Cela se retrouve notamment dans le ringi c'est-à-dire la recherche du consensus dans l'entreprise. On est d'accord avec l'ensemble du groupe ,personne ne doit perdre la face. Cela a pourtant un inconvénient , la lenteur du processus.
De plus, le Japon est obnubilé par l'information. Il s'informe ,absorbe les informations mais ne les restitue pas à l'étranger. De ce fait, il peut anticiper et se lancer dans la production dans tel ou tel secteur. Ainsi en 1955,le Japon se anticipe et se lance dans l'électronique. La croissance de ce secteur devient telle que le Japon occupe 27% du marché mondial dans les années 1970-1980.L'information circule de façon horizontale c'est-à-dire dans l'ensemble de la population. L' Azahi Shimbun, journal japonais ,est tiré à plus de 50 millions d'exemplaires.
Enfin, le peuple japonais apparaît égalitaire et se veut homogène. Le modèle est celui du salary man dit sarariman. La population japonaise est majoritairement constituée de classes moyennes. Il y a peu de pauvres et peu de milliardaires. La grande partie de la population est concentrée dans la mégalopole japonaise de 1200km de long et de ce fait peut participer à l'activité économique du pays qui s'y trouvent presque totalement concentré. Tokyo regroupe 44% des étudiants et 46% des 3400 centres de recherche du pays. Excepté l'exode rural qui a fournit une main d'œuvre conséquente aux industries qui ont ainsi pu assurer le boom économique japonais, la population migre à l'intérieur de la mégalopole. Les immigrés quant à eux sont très peu nombreux car ils ne sont pas acceptés sur le territoire. Ils atteignent un million mais il y a aussi quelques centaines de milliers de clandestins qui travaillent pour la mafia en général du fait de leur entrée illégale sur le territoire.

Si la croissance japonaise atteint les 7 à 8% pendant les années 1960-1970,elle le doit beaucoup à le " facilité " d'adaptation de la population japonaise .Les Japonais se comparent à l'eau qui s'adapte dans n'importe quel récipients mais garde sa nature. Les japonais s'adaptent tout en gardant leurs spécificité .Ainsi, ils se concentrent sur les secteurs porteurs pour la croissance et abandonnant les autres. Dans les années 1970,lors des crises dues aux chocs pétroliers, le Japon abandonne les industries lourdes à forte intensité de capital et les industries légères à forte intensité de main d'œuvre.
En outre ,le Japon possède des réservoirs de main d'œuvre avec les femmes qui ne représentent en 2000 qu'environ 40% de la population active. Elles ne travaillent en réalité qu'avant leur mariage et après avoir élevé leurs enfants. L'immigration peut aussi être une solution face à un manque de main d'œuvre avec le vieillissement de la population. Mais cela sera t -il accepté sur le plan culturel ?En effet, les femmes ne sont pas destinées au travail et n'obtiennent pas de postes à responsabilités. Même si tous sont égaux au Japon depuis 1946,il faut attendre 1986 pour qu'une loi mette fin aux inégalités sur le plan juridique car celles-ci demeurent dans la réalité. Les immigrés sont mal acceptés et souvent cantonnés aux tâches inférieures.
Enfin, il existe aussi des gisements de productivité. Si l'entreprise ou un secteur est productif favorisant la croissance, il n'en est pas de même pour les travailleurs de façon individuelle. On constate une multiplication des pauses, des discussions dans la journée. Les entreprises emploient parfois plus d'employés que le travail ne l'exige en réalité. Mais cette tendance de la population sage, docile ,épargnante ,travailleuse tend à s'affaiblir avec la nouvelle génération de japonais qui n'est pas prête à autant de sacrifices. Si cette population a favorisé la croissance par ses caractéristiques, la croissance a aussi eu des effets sur la population.

Pendant la période de haute croissance qui suit le deuxième guerre mondiale ,la croissance repose essentiellement sur le marché intérieur induisant des effets nombreux sur la population.
Le marché intérieur est protégé après 1945 de la concurrence des industries étrangères à travers le protectionnisme. Ce marché est aussi une sorte de laboratoire où on teste les produits avant de les lancer à l'étranger. Cela s'appelle la théorie du " vol d'oies sauvages " d'Akematsu et qui date de 1937.Les entreprises japonaises importent la technologie étrangère ,innovent et l'essaient sur le marché japonais puis exportent si le test a été positif.
Ainsi, pendant la haute croissance, la croissance japonaise repose sur le marché intérieur. La population a atteint les 100 millions dans les années 1960.Les années 1950 et 1960,constituent d'abord une phase de consommation d'équipement puis de masse. Les Japonais s'équipent en électroménager puis rapidement ils consomment d'autres produits moins nécessaire à la vie de tous les jours. Les Japonais étant de plus en plus des consommateurs nationalistes et exigeants, ils consomment des produits japonais qui sont d'ailleurs mieux adapté aux besoins japonais. De 1955 à 1961 , la croissance est remarquable ,c'est le Jimmu Boom et l'Iwato Boom. La croissance est plus irrégulière de 1961 à 1965 et se ralentit mais reprend de 1966 à 1971 . même si les Japonais consomment et donc tirent la croissance ,ils continuent d'épargner constituant des sources d'investissements pour les entreprises.

La croissance a des effets positifs sur la population japonaise. La croissance a atteint des sommets ,jusqu 'à 12% par an Cela a pour résultat la hausse du niveau de vie des Japonais, longtemps resté à un niveau très bas. Le Japon se classe juste derrière la Suisse et la Suède pour niveau en 1991 en 1991.Il possède aussi le deuxième PIB par habitant du monde. La hausse du niveau de vie induit une baisse de la natalité qui est de 9,4 pour 1000 en 2000.Le taux de fécondité est de 1,4 enfant par femme. Des progrès se voient aussi avec l'amélioration de l'espérance de vie qui est la plus élevée au Japon du monde. Elle est de 84 ans pour les femmes ,72 ans pour les hommes. Cela est du à l'amélioration de la médecine, de l'augmentation des dépenses de santé et de la protection sociale .Ce qui n'est pas sans incidence sur la croissance car les dépenses de santé et de protection sociale coûtent cher et pèse sur celle-ci notamment dans les années 1980.
Enfin, une partie des salariés japonais ont accès aux trois trésors. Ce sont les salariés des grandes entreprises qui y ont accès soit environ 25% de la population active. Ils possèdent un emploi à vie ,un salaire à l'ancienneté ,un syndicat d'entreprise. La croissance était telle que les entreprises qui redoutaient une pénurie de main d'œuvre ont voulu fidéliser leurs salariés et rentabiliser leur effort de formation. L'avantage pour les salariés est qu'ils ont moins de stress mais leur travail en est aussi moins motivant. Ce système tend à être remis en cause depuis quelques temps.

Cependant cette croissance n'est pas sans effets négatifs sur la population. La croissance des industries a provoqué beaucoup de pollution que le gouvernement a tardivement tenté de maîtriser. La maladie de Minamata ou l'air irrespirable de Tokyo ne sont que deux exemples parmi de nombreux autres, dans la mégalopole, la pollution automobile rend l'air irrespirable causant des maladies respiratoires.
De plus, les industries ,les entreprises de services se sont accumulés dans la mégalopole. Elles ne cessent de croître avec la forte croissance des économies japonaises .La grande partie de la population s'y trouve donc accumulée et les terrains ,logements y sont hors de prix. Le mettre carré à Tokyo atteint les 100000 francs et 20% des logements à Tokyo ou à Nagoya ne possèdent pas de salle de bain. Les travailleurs doivent s'installer à une ou deux heures en moyenne de leur lieu de travail, faisant le trajet chaque jour.
Enfin, quand le taux de croissance s'avère être négatif donc en période de récession comme de 1992 à 1995 ou après 1997, ce sont les employés des petites et moyennes entreprises qui sont licenciés ou les femmes en priorité dans les grandes entreprises. La pression sociale fait que les licenciés ne vont pas tous s'inscrire au chômage. L'effet inverse, l'excès de travail provoque aussi la mort par Karoshi c'est_à_dire par arrêt cardiaque.
La croissance a eu des effets nombreux sur la population. Mais cette interaction est_elle la seule raison de la croissance japonaise ?


Le rôle de l'Etat n'est pas négligeable dans la croissance ainsi les opportunités que le Japon a pu saisir. Le marché extérieur a aussi réussi à apporter une contribution.
L'Etat joue un rôle dans l'économie japonaise depuis l'ère Meiji. Mais dès 1946,il met en place une planification indicative pour orienter les entreprises dans tel ou tel secteur. Certes, c'est grâce à la main d'œuvre japonaise que les résultats dépassent systématiquement les prévisions car celle-ci est efficace mais c'est l'Etat qui oriente la production.
De plus, les structures gouvernementales comme le MITI ,le ministre du commerce international et de l'industrie ,le JETRO,Japan External Trade Organisation ,et le ministère des finances sont efficaces. Ils se renseignent sur les marchés ,négocient pour les entreprises japonaises face aux firmes étrangères. Les entreprises japonaises ont moins se contraintes pour s'affirmer surtout à l'étranger puisque c'est l'Etat qui prend toutes ses contraintes en charge.
Enfin, grâce aux informations qu'il possède ,l'Etat anticipe sur les productions et oriente la recherche qui est alors entreprise à 80% par les firmes japonaises. Ainsi le Japon est un des leaders de l'électronique grand public, dans les micro-ondes…La croissance de ces secteurs est forte dans les années 1980.Le MITI prend en charge la recherche fondamentale qui reste cependant très inférieure à la recherche appliquée. La recherche équivaut à 3% du produit national brut japonais (PNB).

La croissance japonaise a aussi résulté en partie des opportunités dont le Japon s'est saisi. Mais qui n'a été possible que grâce à l'adaptabilité de la population japonaise. La guerre de Corée de 1950 à1953 a permis la croissance industrielle qui est passée de l'indice 51 en 1951 à 149 en 1953.La crise de Suez en 1956-1957 a permis l'essor de la construction navale. Enfin la guerre du Vietnam, a engendré une envolée des taux de croissance dès 1966 car le Japon sert de base logistique aux Américains.
Le Japon utilise aussi les manifestations internationales pour relancer son économie quand celle-ci ne se porte pas très bien ou pour se faire de la publicité et donc inciter les touristes à visiter la pays. C'est le cas lors des jeux olympiques de Tokyo en 1964 ou l'exposition universelle d'Osaka en 1970.

Le Japon se concentre sur le marché extérieur dès les années 1970 avec les chocs pétroliers qui ont provoqué la mise en place de barrières protectionnistes dans les pays occidentaux. Le Japon décide alors de délocaliser à l'étranger et d'investir. Or cet investissement n'a été possible que grâce à l'épargne de la population. De plus ,le niveau de vie des Japonais s'étant élevé, il n'y a plus de différentiel avec d'autres d'où on délocalise. Les chiffres d'affaires notamment les entreprises automobiles à l'étranger comme Toyota s'envolent, dans les années 1980.
De plus avec le contexte de mondialisation et donc de déréglementation ,les investissements au Japon de l'étranger sont très nombreux dans les années 1980.Le yen est une sorte de monnaie refuge du fait de sa bonne santé. La place financière Kabuto Cho s'envole atteignant presque le niveau de capitalisation boursière de Wall Street.
Cependant ,ce recours à l'ouverture japonaise pour augmenter la croissance a aussi des effets négatifs. Après la crise de 1992 à 1995 à cause de l'éclatement de la bulle spéculative de l'immobilier et de la bourse, la crise des pays asiatiques a atteint le Japon en 1997.La Corée notamment avait investi dans le Kabuto Cho .


En définitive, la croissance japonaise remarquable pendant plusieurs décennies s'est repos "e en grande partie sur une population travailleuse, prête à tous les sacrifices pour permettre la croissance économique de son pays. Cela a pu se faire grâce à une maîtrise de la population par le nombre de naissance .Mais la croissance a amélioré aussi le niveau de vie japonais toutefois avec des effets négatifs. La croissance n'a pas toujours été utilisée pour améliorer les conditions de vie des Japonais puisqu'elle a souvent soutenu le déficit américain ou les pays du sud est asiatique. Enfin la croissance a aussi été le fait de conditions extérieures à la population mais que celle-ci a bien exploité par sa grande adaptabilité .En 2000-2001 ,la situation économique du Japon est encore fragile.