A l'heure de la mondialisation économique, l'intégration économique et monétaire européenne a t'elle encore un sens ?

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 75 - Paris - Lycée Louis le Grand

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Commentaire du professeur : sujet vu, démonstration claire. On aurait pu davantage insister sur l'instauration lente mais réelle d'une Europe sociale qui permet aux économies en retard de bénéficier d'une amélioration de leur situation.


Depuis l'introduction de l'Euro, monnaie unique de l'Union Européenne (UE), communauté de quinze états définie dans le traité de Maastricht en 1992, sur tous les marchés financiers en 1998, la construction européenne semble stagner. C'est tout l'espace européen, composé des états membres et des états candidats de l'ancien bloc de l'Est qui s'interroge sur sa place, ses perspectives au sein d'une économie-monde dont elle constitue l'un des ponts cardinaux, avec les Etats-Unis et le Japon.
A l'heure de la mondialisation de l'économie, l'intégration économique et monétaire de l'espace européen a t'elle encore un sens ? Il s'agit de questionner la construction européenne, engagée depuis 1951 (CECA à 6 pays) dans la voie d'une intégration croissante, d'un rapprochement des politiques macroéconomiques, dans un contexte mondial ouvert de libre-circulation des biens, du facteur travail, des services, des capitaux, soit dans un monde où les marchés, les entreprises et la concurrence ont une dimension mondiale. Quelle en est la signification, quelle en est la direction (peut-elle et doit-elle aller vers plus d'intégration )?
En fait, le renforcement de la cohésion d'un espace restreint a t'il un sens dans un monde où l'économie ne connaît, elle, pas de frontières ?
Nous verrons que l'espace européen a choisi l'intégration afin de répondre aux dangers de la mondialisation, et que cet objectif peut devenir un frein à celle-ci ; puis que l'intégration de l'espace européen permet d'en faire un acteur de la mondialisation de l'économie ; enfin que la poursuite de cette intégration fait de l'espace européen un moteur de la mondialisation économique et de son intégration aujourd'hui insuffisante.


Tout d'abord, l'espace européen a choisi l'intégration économique et monétaire en réponse aux menaces crées par la mondialisation de l'économie depuis 1945. L'Europe voulait faire face à la concurrence désormais mondiale, régie par des règles du libéralisme précises et universelles énoncées lors des réunions du GATT (dès 1947). Le recours au protectionnisme tarifaire devenant peu à peu impossible, l'espace européen commence à s'organiser, notamment par la réalisation d'une union douanière en 1968, prévue dans le traité de Rome de 1957 qui institue la CEE, réunissant 6 états européens (France, Bénélux, Italie, RFA) plus tard rejoints par d'autres (RU, Danemark, Irlande en 1972, Grèce en 1981, Portugal et Espagne en 1986). Dans ce marché commun, les biens circulent librement. De plus, la CEE met en place le Tarif Extérieur Commun (TEC). Chaque état membre se protège à la fois de l'extérieur (d'où la préférence communautaire prévalant dans la PAC, la fixation du TEC pour chaque produit) et des autres états membres en coopérant avec eux et en harmonisant leurs prix et niveaux de vie. C'est l'intégration économique.
De plus, pour faire face aux fluctuations du dollar qui flotte depuis 1973 et auquel la mondialisation de l'économie a donné une position hégémonique, la CEE tente une intégration monétaire en créant le Serpent monétaire (1972) puis le SME (1979) définissant des écarts précis et restreints entre les devises.
On le voit, l'intégration économique et monétaire de l'espace européen avait bien un sens avant, celui d'un développement protégé après les instabilités suivant le second conflit mondial qui dévaste l'Europe. Cependant aujourd'hui, le dollar est redevenu stable et peut constituer l'unique devise de l'économie mondiale (facilitation des taux de change…). De plus, les pays européens sont aujourd'hui très compétitifs et appartiennent au podium des plus grandes puissances mondiales. Dès lors, vouloir constituer (voire maintenir) l'intégration économique et monétaire relève du risque isolationniste. Intégrée sur son territoire, l'Europe refuse le libre échange sans barrières douanières avec le reste du monde. Pour preuve, les craintes japonaises de la constitution d'un espace-forteresse protégé par le TEC et freinant ainsi la pénétration de son marché, brouillant les règles de la concurrence (cf. les USA, qui reprochent à l'UE le "protectionnisme de la PAC" à cause du principe de la préférence communautaire).


Néanmoins, l'espace européen tente de dépasser ces risques. Aujourd'hui, c'est son intégration monétaire et économique qui le fait participer pleinement à la mondialisation de l'économie.
En premier lieu, il faut rappeler que "mondialisation de l'économie" et "régionalisation des échanges" sont certes paradoxaux, mais pas contradictoires. Aujourd'hui, si l'économie se mondialise, les zones d'échange régionales se multiplient (ALENA…). L'échange y est favorisé par des mesures d'intégration économique, comme la baisse de la tarification douanière. Cependant, les zones de commerce régionales ne font pas du commerce exclusivement entre elles, et stimulent au contraire toute l'économie mondiale. Les accords du GATT signés par les états de l'UE accordés stipulent d'ailleurs l'interdiction de favoriser un commerce intracommunautaire aux dépens du commerce extra communautaire. Par son intégration économique et monétaire, l'UE s'inscrit bien dans le schéma mondial, et s'affirme comme un des pôles de la Triade. Rappelons qu'elle réalise près de 40% du commerce mondial (intrazone comprise).
En deuxième lieu, l'espace européen dans son fonctionnement respecte les règles de la mondialisation de l'économie, grâce à l'intégration économique et monétaire. Ainsi l'UE a t'elle réalisé la libéralisation des marchandises en 1968 (prévue par le traité de Rome en 1957), des capitaux en 1990, du facteur travail (accords sur la mobilité professionnelle en 1968, programme universitaire Erasmus, accords de Schengen en 1990). Il existe aussi des accords économiques liant l'UE aux états d'Europe de l'Est, première intégration économique de ces probables futurs états-membres. C'est tout l'espace européen qui est régi par les lois de la libre circulation définissant la mondialisation de l'économie. Cette dernière contient en son sein un grand marché assez cohérent de plus de 350 millions de consommateurs, dont les essais d'harmonisation du niveau de vie (le budget de l'UE, certes modeste, est redistributif) assurent la cohérence et permet de répondre à une offre importante en provenance des grandes puissances mondiales qui ne peuvent l'écouler sur leurs marchés intérieurs (notamment Haute Technologie).
D'ailleurs, l'UE fait tout pour faciliter les échanges avec les états et les firmes extra communautaires. Elle s'est dotée depuis 1998 d'une monnaie unique, l'euro, géré par la Banque Centrale Européenne, indépendante des états, et qui fixe un taux directeur commun à tous les états, sur le modèle de la toute puissante FED américaine. Cet exemple inédit d'intégration monétaire simplifie les stratégies étrangères. Pour preuve, l'implantation et l'investissement croissants des firmes japonaises en UE (Daewoo…) qui apprécient l'accès à cet espace avec une monnaie, un prix extérieur, une libre circulation beaucoup plus simple que si chaque état avait conservé sa devise, ses barrières douanières, ses propres travailleurs nationaux. Mobilité des intrants, du facteur travail, information claire des prix et de la politique de la BCE : zone de production, d'investissement et de consommation privilégiées grâce à la formation d'une cohérence européenne par une intégration économique et monétaire inédite : l'UE (et bientôt tout l'espace européen qu'elle articule et absorbera peut-être) participe pleinement à la mondialisation de l'économique.


De plus, à l'heure de la mondialisation, l'intégration économique et monétaire de l'espace européen poursuit deux directions qui interagissent : se poursuivre afin d'affirmer l'espace européen dans l'économie mondiale, et constituer le moteur de la mondialisation économique.
D'une part, la construction européenne a de graves lacunes qui entravent l'efficacité de l'économie européenne dans l'économie monde. Les politiques communautaires en matière d'industrie, d'énergie, de transport, de services sont nettement insuffisants. Le "continent" européen représente une civilisation, un espace continu (autour du Danube, du Rhin, des Alpes françaises, autrichiennes, suisses) dont il faut institutionnaliser la cohérence naturelle. L'économie mondialisée dépasse les frontières que l'histoire a imposé. L'intégration économique et monétaire doit dès lors déboucher sur une intégration politique de l'espace européen, et d'abord de l'UE. Car pour prendre de vraies décisions macroéconomiques, rendre l'Europe plus forte, plus compétitive, plus indispensable à l'économie mondiale en déterminant des objectifs communs clairs, le recours à l'intégration politique s'impose.
D'autre part, l'intégration économique et monétaire européenne est un modèle pour la mondialisation de l'économie. En effet, une cohésion, une stabilité monétaire ont été crées entre différents états. Il existe une coopération entre les banques centrales, des embryons de droit des affaires supranational (la Commission a le droit de se prononcer sur des projets de concentration d'entreprises européennes dont le CA dépasse 5 milliards de francs). C'est peut-être ce qui manque pour réaliser une mondialisation de l'économie qui soit synonyme de croissance stable : une intégration économique et monétaire réelle.
Enfin, c'est la poursuite de l'intégration monétaire, économique voire politique en Europe qui assurera son poids et son rôle dans la mondialisation de l'économie. Alors que chaque pays paraît bien faible, l'UE s'affirme comme le concurrent direct des Etats-Unis, première puissance mondiale. Dès lors, mondialisation de l'économie ne rime pas avec américanisation de l'économie. Par l'intégration économique et monétaire, l'Europe entend affirmer son indépendance (ambition inédite et audacieuse de créer une monnaie commune stable en concurrence avec le dollar), stimuler la mondialisation de l'économie et décider de son orientation (modèle social européen…) par sa puissance résolument commune.

Ainsi, l'intégration économique et monétaire a permis a une réunion de petits Etats européens de participer et de tirer profit de la mondialisation de l'économie. Mais pour que toute cette entreprise audacieuse garde un sens, la construction européenne doit franchir le pas décisif d'une intégration politique : l'Europe doit désormais choisir entre constituer un véritable état cohérent, càd un espace intégré à l'économie mondiale, ou risquer de se dissoudre dans une zone de libre-échange. Peut-être sont-ce les élargissements successifs à tout l'espace européen qui réaliseront cette intégration en la rendant indispensable ?