L'agriculture, reflet des difficultés de l'économie soviétique ?

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 75 - Paris - Lycée Janson de Sailly

Cette copie a été notée : 13 / 20

Commentaire du professeur : sujet bien compris donc bien traité malgré une fin un peu maladroite


( NB : Ce sujet était donné avec une carte sur l'agriculture en URSS )

L'agriculture soviétique dispose de nombreux atouts : une surface agricole utile quatre fois plus vaste que celle des Etats Unis, une grande diversité climatique due à l'étendue de son territoire et elle mobilise une grande partie de la population. Cependant, elle n'a jamais réussi à décoller et ses rendements sont toujours restés bas : on peut parler d'échec de l'agriculture soviétique. De même, l'économie soviétique ne manquait pas de potentiel, mais elle se trouve en bien piteux état en 1990, rongée par la pénurie, l'inflation et la dette extérieure… L'échec agricole est-il révélateur de l'échec économique ? Peut-on comprendre l'échec de l'expérience soviétique grace à l'analyse de son échec agricole ? Nous pouvons constater que, d'une part, l'agriculture est bien révélatrice de l'échec des grandes politiques économiques de l'URSS, ainsi que de l'incapacité de l'Etat à régler les problèmes mais que, d'autre part, l'échec agricole n'est pas entièrement le reflet des difficultés économiques, et que le secteur agricole a bien ses propres problèmes.

L'analyse de l'échec agricole met en évidence le caractère aléatoire des grandes politiques économiques de l'URSS, qui débouchent sur des gaspillages et des faibles rendements. Un gaspillage d'argent, tout d'abord, qui est flagrant dans le système agricole de l'URSS, de part les incohérences du système des prix, qui éloigne certains produits de leur valeur réelle. Le pain, par exemple, est vendu, pour des raisons sociales, à un prix inférieur à son coût de production ; ce qui a conduit certains éleveurs à profiter du bas prix du pain pour nourrir leur bélail ; alors que c'est un aliment cher à produire ! La planification est également une source de gaspillage, puisque son objectif est fixé sur la quantité de produits produits ; soucieux de remplir leur objectifs, les chefs d'entreprises négligent leur qualité, et c'est ainsi que la plupart des machines agricoles produites ne seront pas utilisées… De plus, on constate que l'absence de secteur privé, autant dans l'agriculture que dans l'industrie, est facteur de temps perdu : occupés à travailler leur lopin de terre, les paysans passent le moins de temps possible et se fatiguent le moins possible dans les kolkhozes, de même que l'ouvrier va se dédier plus à son activité illégale ( chauffeur de taxi, plombier… ) qu'à son usine, qui rapporte beaucoup moins car les employés ne sont pas rémunérés en fonction du mérite.
La faible productivité agricole est aussi due à la politique économique soviétique : d'une part, les innovations, la science, sont bloquées par le rôle idéologique du parti comme le montrent l'affaire Lyssenko qui a privé l'URSS d'agronomes confirmés pendant des années ; et le bannissement de l'informatique dans la gestion de Gosplan, qui l'aurait rendu beaucoup plus efficace, sous prétexte que c'est une " science bourgeoise ". D'autre part, le système de crédit automatique est un véritable frein à l'augmentation de la productivité ; puisqu'il assure une aide financière aux fermes qui n'atteignent pas leur objectif ; avec ce système, avoir des hauts rendements n'est pas ce qu'il y a de plus rentable ! Les gaspillages et la faible productivité agricole sont donc bien révélateurs des difficultés de la politique économique soviétique.

L'incapacité de l'Etat à gérer le problème agricole est également le reflet du malaise économique national. Ceci se traduit par l'importance de l'économie parallèle, par l'inefficacité des réformes et par la nécessité du recours à l'extérieur. L'économie parallèle est fondamentale pour l'économie soviétique, puisque l'économie " officielle " ne remplit pas les besoins de la population. Le fait que l'Etat en ait conscience, et aille même jusqu'à la rendre légale, dans le cas de l'agriculture par exemple, montre biens ses limites : il n'est pas capable de répondre aux besoins de sa population. L'économie parallèle est indispensable au fonctionnement de l'économie soviétique… Or, c'est dans l'agriculture qu'il est le plus flagrant, avec le développement des marchés kolkhoziens.
Le caractère inefficace des tentatives de réforme de l'économie est égalment mis en évidence dans le sectuer agricole. Celle de Krouchtchev, par exemple, visait une augmentation des saliares des kolkhoziens, ainsi que l'arrêt des récquisitions obligatoires ; mais, si les prélèvements sont devenus facultatifs, il était beaucoup plus avantageux de vendre sa récolte à l'Etat que sur le marché libre, d'où l'inutilité de la réforme.… Le programme d'exploitation des terres vierges, imaginé suite à la découverte des champs de maïs américains montrent également le caractère irréfléchi et spontanné des réformes : ces terres n'étant pas adaptées à la culture du maïs, cette tentative échoua au bout de deux ans…
Le rôle de l'Etat est, enfin, remis en cause dès les années 1975, quand l'URSS avoue qu'elle est obligée d'importer des céréales aux américains… La reconnaissance de l'échec de l'autosuffisance alimentaire se fera sentir dans le cadre de l'économie en général dès la fin des années 1980, quand l'URSS va devoir se rabaisser à demander une aide financière extérieure…

Cependant, on ne peut pas comprendre l'échec de l'expérience soviétique uniquement par les mécanismes agricoles : en effet, l'agriculture est un secteur spécial, " à part " dans l'économie soviétique. Il existe donc des causes propres aux difficultés agricoles et des causes propres aux difficultés économiques. L'agriculture est un cas différent des autres secteurs comme l'industrie ou l'énergie, car elle n'est pas prioritaire, du moins avant les années 1960. Afin de privilégier le symbole de puissance de l'URSS, Staline a en effet dès le départ délaissé l'agriculture agin de se concentrer sur la modernisation et l'accélération de la production des industries lourdes ; dans le cadre de la plannification. Disposant d'investissements nettement minoritaires et d'un désintéressement de la part du pouvoir ( il a fallu attendre Kossyguine pour que le blé soit reconnu comme un produit stratégique ), le secteur agricole n'a pas pu connaître les mêmes évolutions que d'autres secteurs privilégiés, comme l'uindustrie lourde, l'énergie, le secteur militaire…
L'échec gricole n'est donc pas lié uniquement à l'échec économique ; et possède bien des difficultés propres à ce secteur ? Tout d'abord, la surface agricole utile est mal répartie sur le territoire, comme le montre la carte. De plus, le climat est peut-être diversifié, mais il est également aléatoire ; et les récoltes du sud sont souvent touchées par la sécheresse alors qu'au Nord le frois empêche toute exploitation. Enfin, les ressources sont souvent éloignées des lieux de production ; ainsi, la distance moyenne entre les champs et les silos est de 200 km.

Dès l'arrivée de Staline au pouvoir, avec la collectivisation brutale des campagnes puis la dékoulakisation, il y a eu un mouvement d'opposition entre le centre et les paysans ; ce qui n'a pas rendu pour autant le secteur agricole indépendant de l'économie puisque nous avons vu que ses difficultés incarnent biens les grandes voies économiques du régime soviétique, qui l'ont mené à sa fin.