Intégration et élargissement. Depuis son acte fondateur en 1957, la CEE devenue depuis peu l'Union Européenne a été confrontée à ces 2 exigences. Comment les a-t-elle gérées?

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Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

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Commentaire du professeur : travail très approfondi, intéressant. L'ipression d'ensemble est nettement favorable


Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les pays d'Europe occidentale, soutenus par les Etats-Unis dans un contexte de Guerre Froide, décident de s'unir afin d'éviter qu'une nouvelle guerre mondiale puisse se reproduire. Ainsi, plusieurs associations d'Etats voient le jour pendant cette période (OTAN, Conseil de l'Europe, OECE…), mais l'on s'aperçoit finalement que pour se constituer, " l'Europe " doit se créer à partir d'un nombre plus restreint de pays pour s'élargir par la suite. Aussi la France propose t-elle à ses pays voisins de créer une Europe intégrée (et non pas une association d'Etats comme le souhaiterait le Royaume-Uni). Intégrer des Etats au sein d'un regroupement d'Etats -id est les faire participer, profiter d'un regroupement équilibré- n'est pas chose aisée, mais élargir le regroupement tout en le renforçant peut paraître contradictoire. Comment la CEE (puis l'Union Européenne) a-t-elle pu gérer simultanément ces deux objectifs? Dans une première partie, nous étudierons cette question pour la période s'étalant de 1957 jusqu'à l'élargissement aux pays méditerranéens puis dans une seconde partie, nous analyserons son évolution plus récente (depuis 1980-86) avec ses perspectives nouvelles d'élargissement et d'intégration.

Les traités de Rome de mars 1957 donnent naissances à la CEE qui regroupe à cette date la France, l'Allemagne, l'Italie et le Bénélux. Ces six pays ne comportent pas ou relativement peu d'écarts de développement (à l'exception du Mezzogiorno italien). Une politique favorisant l'intégration régionale ne semble donc pas à cette date indispensable. Parmi ces six Etats, les échanges intérieurs sont nombreux et voués à augmenter avec le démantèlement prévu des taxes à l'importation par exemple. Cette Europe des six a certes la volonté des s'élargir, la preuve en est que la proposition française s'adressait également au Royaume-Uni par exemple, mais une fois constituée, la " petite Europe " privilégie pour commencer l'intégration de ses pays membres, et même si une " Europe politique " n'est pas réalisée à cause du refus français le 30 août 1954 de ratifier le traité de la Communauté Européenne de Défense (CED) rendant impossible toute union politique des six, l'intégration des pays membres s'effectue par les politiques économiques communautaires. En effet, pour mieux intégrer le marché industriel des six, la CEE établit de très larges réductions des taxes à l'importation pour les pays membres et la fin de leurs contingentements pour ces mêmes pays alors qu'elle dresse une " barrière " commune pour les pays tiers : le TEC (tarif Extérieur Commun), afin de protéger malgré tout son marché industriel. Ainsi, les échanges intérieurs ont pu être multipliés par 4 entre 1958 et 1968 alors qu'ils ne l'ont été que de 2 pour les échanges industriels avec l'extérieur.
De plus, c'est pendant cette même période (en 1962) qu'est mise en œuvre la Politique Agricole Commune (PAC). La PAC a permis l'intégration des 4 dans la CEE puisqu'elle a permis aux agricultures de se moderniser (section orientation du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole : FEOGA, crée lui aussi en 1962) et ainsi d'améliorer leur productivité, et surtout de se développer en assurant des prix minima aux produits récoltés (section garantie du FEOGA). Ainsi les Etats de l'Europe des 6 ont pu augmenter leurs productions agricoles et les exporter aux autres membres plus facilement, grâce au principe de la préférence communautaire, aux facilités mises en œuvre pour les échanges intracommunautaires et aux prix uniques. La PAC et le TEC sont les deux politiques communautaires qui ont permis d'améliorer l'intégration des 6 dans la CEE : chacun de ces 6 pays a plus de relation avec les autres, échange plus facilement des produits agricoles ou industriels avec les autres membres, même si la part des échanges communautaires est plus importante pour le Bénélux que pour l'Allemagne par exemple. La CEE une fois constituée a donc favorisé l'intégration à l'élargissement, ce qui paraît logique, mais les années 1960 ont été marquées par plusieurs demandes d'adhésion, qui se concrétiseront par la suite.
Même si De Gaulle, en représentant la volonté française refuse en 1963 et 1967 la demande d'adhésion du Royaume-Uni pour conserver une " Europe européenne " et cela grâce à son droit de veto , son départ du gouvernement français en 1969 marque le début de nouvelle négociations avec le Royaume-Uni mais aussi avec la Norvège, l4irlande et le Danemark. La recherche de la meilleure intégration possible entre les pays membres est toujours présente, mais l'élargissement au nord de l'Europe devient une priorité problématique : la PAC, le TEC existent déjà, et les pays candidats ne veulent pas nécessairement les appliquer, et les dérogations demandées (britanniques pour la plupart) ne peuvent pas toujours être accordées.
De plus, la CEE ne s'élargit pas qu'au Royaume-Uni, au Danemark et à l'Irlande (la Norvège n'a pas ratifié te traité) puisque même si les autres Etats de l'AELE (Portugal, Finlande, Suisse…) n'intègrent pas la CEE, ils ouvrent leurs marchés et la CEE en fait de même vis-à-vis de ces pays. La politique des échanges européenne s'applique donc pour ces pays, mais pas sa volonté d'intégration.
A l'issue de cette première partie, il apparaît donc qu'en 1973, la CEE se compose de 9 Etats intégrés dans des politiques communautaires : PAC, libéralisation intérieure des échanges, même si les nouveaux pays membres disposent de délais pour les appliquer. Le début d'intégration de la CEE n'a pas empêché son élargissement. Cependant, il faut remarquer que tous les pays de la CEE ne sont pas également intégrés, et la comparaison des différentes parts des échanges intracommunautaires dans les échanges totaux traduit les niveaux d'intégration dans la CEE. A la fin de la période étudiée, c'est-à-dire à l'aube de l'ouverture de la CEE aux pays méditerranéens, si la France et le Bénélux commercent principalement avec les autres pays membres, ce n'est pas le cas en revanche de l'Allemagne et surtout du Royaume-Uni qui conserve de très forts liens avec le Commonwealth. Cette particularité britannique explique notamment la réticence de ce pays au TEC et au système de prélèvement agricoles finançant la PAC qui élève les prix mondiaux agricoles aux prix européens.

Nous avons constaté qu'intégration ne rendait pas impossible élargissement de la CEE dans cette première partie, voyons désormais en quoi la perspective de l'élargissement vers le sud a fait évoluer l'intégration européenne.

Si les écarts de développement entre les Européens ont été négligés jusqu'aux années 1970, la perspective de l'élargissement de la CEE vers le sud (Grès en 1980 puis Espagne et Portugal en 1986) impose la mise en place d'une politique communautaire visant à réduire ces écarts. Ainsi le Fonds Européen de Développement Economique Régional (FEDER) a été crée en 1975. Ici, c'est donc l'intégration qui précède l'élargissement. Par ailleurs, des Programmes Intégrés Méditerranéens (PIM) ont été mis en œuvre pour assurer que l'ouverture de la CEE vers le sud ne pénalise pas trop les régions bénéficiant de cette aide, comme le Mezzo Giorno italien par exemple.
Avant même l'intégration officielle de la Grèce, l'Espagne et le Portugal dans la CEE, ces pays ont bénéficié de privilèges quant à la dissymétrie des droits de douane aux frontières : si ces trois pays pouvaient accéder librement aux marchés de la CEE, ceux-ci ont pu garder leurs taxes à l'égard de la CEE. L'équilibrage entre les frontières s'est effectué progressivement par la suite : l'intégration des pays méditerranéens dans la CEE s'est donc réalisée progressivement et a débuté avant leur adhésion même. Une fois membres de la CEE, ils ont été encore plus intégrés grâce à l'aide du FEDER, de la PAC et d'aides telles que le fonds de cohésion instauré après le traité de Maastricht en février 1992.
Cependant, l'élargissement de la CEE de 9 à 12 a suscité des réformes institutionnelles ainsi qu'une accélération de l'intégration des Etats de la CEE. Les réformes institutionnelles majeures ont été l'élection au suffrage universel direct des membres du Parlement européen dès septembre 1976 (même si la première élection a eu lieu en juin 1979), l'augmentation du rôle du parlement qui vote le budget dès 1975, et obtient les pouvoirs de codécision et d'avis conforme par exemple grâce au traité de Maastricht et à l'Acte Unique.
Si l'élargissement de la CEE aux pays méditerranéens a été précédé par une tentative d'intégration foret, une fois ces pays adhérés, la volonté d'accélérer et d'étendre l'intégration à divers domaines a été encore plus forte. En effet, les politiques communautaires d'intégration ont été fortement accélérées, comme celle visant le Marché Unique et la libre circulation des personnes. Si les taxes douanières ont disparu dans la CEE de 1er juillet 1968, d'autres barrières (fiscales, techniques…) n'ont pas encore disparu, et dans la perspective d'un " marché européen unifié " pour 1993, l'Acte Unique (1986) a contribué à l'intégration des Etats de la CEE. Par ailleurs, les accords de Schengen (1985-90) ont favorisé la libre circulation des personnes dans les pays signataires (tous ne le sont pas). Ainsi, la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des êtres humains a favorisé les échanges intracommunautaires, et donc l'intégration de tous les membres de la CEE, comme le concours de FEDER permet aux régions périphériques de s'intégrer dans l'espace communautaire, par des aides développant l'économie, et donc les échanges.
De plus, de nouveaux domaines sont concernés par la volonté d'accélérer l'intégration des Etats dans la CEE. Il s'agit par exemple de la politique des transports qui, quasi inexistante jusque dans les années 1980 aboutit à l'élaboration de projets dont la plupart ne sont pas encore réalisés à ce jour, mais l'intégration géographique est cependant définie comme étant un objectif, tant par la politique des transports que par l'aide du FEDER. La politique industrielle communautaire a été également accélérée depuis les années 1980 avec par exemple des programmes destinées aux pME en 1987-89 et 1993 pour développer les échanges entre PME et ainsi développer leur intégration au sein de l'Europe, ou des programmes cadres pluriannuels de recherche.
Finalement, de cette deuxième partie on déduit qu'avant même de s'élargir, la CEE a d'abord recherché l'intégration de ses économies, se ses territoires et qu'une fois l'élargissement réalisé vers des pays géographiquement et économiquement périphériques, l'intégration a été accélérée et élargie à d'autres domaines. Dans le domaine économique, un point fondamental a pu accélérer l'intégration : il s'agit de la politique monétaire. En effet, les années 1980 marquent le début du SME (Système monétaire Européen), qui relis les monnaies entre elles par le système de marges de fluctuation par rapport à une unité : l'ECU (European Current Unit). Mais cette intégration n'a eu véritablement lieu que dans les années 1990, c'est-à-dire à l'époque d'un nouvel élargissement.
La Suède, la Finlande et l'Autriche ont officiellement intégré l'U.E. en 1995. Ces trois pays n'ont pas véritablement posé de problème quant à leur intégration économique, mais pour les deux premiers, un objectif a été rajouté au programme du FEDER entre 1994 et 1998, pour les régions situées au nord du 63ème parallèle, quasi-désertiques. L'adhésion de ces nouveaux membres correspond à la relance de l'union monétaire puisque l'EURO , monnaie unique de l'Union adoptée par douze pays à ce jour, accentue encore davantage l'intégration de ces pays au sein de l'Union puisqu'ils renoncent à leurs monnaies nationales. L'accélération de l'intégration débutée dans les années 1980 se poursuit donc après la dernière admission de pays membres à ce jour.

A travers cette réflexion, il apparaît que si l'intégration et l'élargissement semblent au premier abord être inconciliables, la CEE puis l'U.E. a pu les concilier successivement ou simultanément pour atteindre ce qu'elle est actuellement, mais l'on peut remarquer que si l'on prévoit de nouveaux élargissements vers les pays de l'Europe de l'Est cette fois-ci, l'Europe n'est pas actuellement également intégrée, de fortes inégalités persistent voire s'aggravent, même si globalement les écarts entre les ays se stabilisent ou se réduisent. Les pays concernés par les futurs élargissements sont nécessairement périphériques et beaucoup plus pauvres que la moyenne de l'Union. Il faudra donc prendre soin de ne pas élargir l'UE trop rapidement, sinon les efforts en matière d'intégration dans l'UE s'arrêteraient brutalement et auraient finalement été inutiles.