Innovation et emploi depuis le 19e siecle.

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 59 - Lille - Lycée Gaston Berger

Cette copie a été notée : 10 / 20

Commentaire du professeur : Le fil conducteur est dynamique, maitrisé et pertinent.C'est très bien.Les connaissances sont excellentes, la réponse est habile, intelligente et bien rédigée.Bref, vous avez proposé là un excellent devoir


La période des Dix Glorieuses aux Etats-Unis a été marquée par une exceptionnelle croissance économique alliant plein- emploi et développement des innovations dans le domaine des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication. L'innovation est issue du progrès technique ou de l'investissement et a pour principale conséquence des gains de productivité. Schumpeter distingue cinq formes d'innovation : l'innovation du procédé de production, de marché, de produit, de matière première et d'organisation du travail. On peut, de plus, définir l'emploi d'un point de vue qualitatif, avec l'évolution de la structure de la population active, et quantitatif avec l'apparition du chômage ou à l'inverse du plein emploi.
On peut alors se demander dans quelle mesure l'innovation et ses conséquences ont permis à l'emploi de se développer et d'évoluer afin de participer à la dynamique économique et à l'évolution sectorielle depuis les débuts de la Révolution Industrielle. De plus, l'image des trente Glorieuses peut nous amener à nous demander si, inversement, les modifications de la structure des emplois ont constitué au développement des innovations
Ainsi après avoir vu que les innovations ont relancé et dynamisé l'emploi, ce qui a permis la relation contraire et la naissance de cercles vertueux, nous verrons que celle-ci ont eu des effets récessifs sur le marché du travail mais que ces inégalités apparues ont, elles aussi, contribués à la relance de l'innovation.

L'innovation, en stimulant l'emploi par une relance de la consommation et la création d'activités et de nouveaux secteurs prospères a contribué à instaurer un cercle vertueux de dynamisme économique grâce aux effets bénéfiques de l'évolution du marché du travail

Tout d'abord, l'emploi a bénéficié de l'innovation grâce aux effets positifs de gains de productivité apparus sur le pouvoir d'achat qui ont permis de modifier la structure de la consommation et confirmé les théories des économistes qui insistent sur le rôle de la demande.
L'innovation a toujours eu pour principal effet de dynamiser les gains de productivité. Or, dans le cadre d'une économie de plus en plus mondialisé et concurrentielle, ceux-ci ont permis un accroissement de la valeur ajoutée qui a pu être redistribuée aux profits de tous les acteurs de l'entreprise. Ainsi, par des politiques de baisser les prix et de hausse des salaires, les entreprises, notamment durant les Trente Glorieuses ou encore avec le " five dollars days " de Ford, ont contribué à la relance de la croissance qui nécessite de l'emploi.
D'autant plus que la structure de la consommation a évolué et a déplacé la demande vers de nouveaux secteurs. Ainsi, suivant la loi d'Engel, la progression du pouvoir d'achat a tout d'abord bénéficié aux besoins primaires. Cependant, ceux-ci ont une inélasticité revenue faible, ce qui a provoqué un déplacement de la consommation vers secteurs qui produisent des besoins secondaires et tertiaires
Cette relance de la consommation, issue des innovations, est une condition indispensable au plein-emploi et aux luttes contre le chômage. Les théories insistent d'ailleurs sur le rôle de la demande affective et sur le principe d'accélération puisque la relance de la consommation va permettre une hausse amplifiée de l'activité économique. On peut d'ailleurs ajouter que la théorie de la régulation a insisté sur le fait que la sous-consommation a entraîné la crise des années Trente.

De plus l'innovation a favorisé le développement du marché de l'emploi en favorisant l'apparition de nouveaux secteurs d'activités puisqu'elle a permis de répondre aux besoins et aux manques des premières Révolutions Industrielles au XIXème siècle, mais aussi a stimulé la pression créatrice théorisée par les économistes du diversement et d'ailleurs l'absence d'innovation est considérée comme facteurs de crise.
La fin du XVIIIéme et le début du XIXème siècle sont marqués par les limites de la post industrialisation et le développement des paysans "chômeurs" sans terre ( notamment avec la révolution des enclosures en Angleterre ). Ainsi les innovations dans l'organisation du travail ont permis et favorisé le développement d'une classe ouvrière, née de l'exode rural, constituée de paysans sans terre en grande majorité et rassemblée dabs des manufactures. De même, lors de la Révolution Industrielles, les progrès techniques dans les transports ont rendu possible désenlavement de certaines régions et ainsi y a entraîné le développement de l'emploi et une spécialisation. On peut citer le Languedoc qui se spécialise dans la production vinicole avec l'apparition des chemins de fer.
De plus, Joseph Alois Schumpeter montre que le progrès technique entraîne une pression créatrice puisque, comme nous l'avons vu précédemment , la demande s'est déplacée au fur et à mesure depuis le début du XIXème siècle du secteur primaire vers le secteur tertiaire. La théorie du déversement, de Sauvy et Fourastié, montre que l'emploi va lui aussi se développer dan le secteur tertiaire. En effet les innovations y sont peu nombreuses et donc la hausse de la production est supérieure aux gains de productivité ce qui entraîne une hausse de l'emploi.
En dernier lieu si nous pouvons affirmer que l'innovation est source d'emploi alors son absence est source de chômage. C'est ce que montre Mensch dans son analyse de la crise de la fin du XXème siècle. Caractérisée par une hausse continue du chômage, cette crise l'est aussi par un temps de latence de plus en plus long entre les innovations.

Enfin, en stimulant l'emploi, la recrudescence des innovations a été à l'origine d'un cercle vertueux car les effets positifs de l'emploi ainsi créé ont relancé les gains de productivité comme le symbolisent les Trente Glorieuses ou encore le développement des nouvelles technologies impulsées aux Etats-Unis par la main d'œuvre qualifiée.
Le système de croissance Fordiste ( expression de GRAMSCI en hommage à Henry Ford ) a été un formidable exemple des effets positifs de l'emploi sur l'innovation. Caractérisé par une harmonie sociale ( théorie de la Régulation ), le modèle Fordiste a permis d'allier consommation de masse et production de masse constituant une innovation dans l'organisation du travail sans précédent. Le consensus social, conséquence du plein emploi, a permis d'éviter les conflits sociaux et a favorisé la division du travail et la spécialisation des taches, créateurs et symboles d'innovation selon Adam Smith , qui dans La Richesse des Nations, montrait que l'ouvrier cherchait sans cesse à innover pour faciliter son travail.
De même, la période des Dix Glorieuses a été marquée par un Brain Drain ( = drainage des cerveaux )des étrangers les plus qualifiés. Celui-ci est la conséquence d'un besoin en main d'œuvre suscité par l'exceptionnelle expansion. Ainsi ce dynamisme de l'emploi a permis d'innover et de créer de véritable centre d'innovation ( la Sillicon Valley en Californie ) nécessitant sans cesse un besoin en main d'œuvre.

La relation entre innovation et emploi est cyclique et l'essor des innovations a permis de créer de nouveaux secteurs et d'y favoriser un plein emploi qui, par sa dynamique, relance à son tour les gains de productivité. Cependant, ce déplacement d'activité ne se fait-il pas au détriment d'autres catégories de travailleurs et ne peut-il pas créer des secteurs où la dynamique est inversée ?


L'innovation est aussi source de déséquilibre sur le marché de l'emploi en entraînant la disparition a long terme, des troubles structurels sur le marché du travail mais ces inégalités vont favoriser à leur tour l'innovation.

Tout d'abord, si le progrès technique est créateur, il est aussi récessif ( Saurry ) comme le montre les changements survenus durant la grande dépression, la crise de la fin du XXème siècle et théorisés une nouvelle fois par les économistes du déversement.
La Grande Dépression de la fin du XIXème ( 1873-1896 )a été marquée par un renouveau dans l'organisation des marchés ( pour Schumpeter, c'est une innovation ) dans la mesure où ils sont devenus mondialisés. Ainsi, la France et, surtout, l'Angleterre vont être confrontés à une concurrence d'autant plus rude dan le secteur agricole. Dès 1882, la viande vient d'argentine par bateau frigorifique ( c'est une innovation de procédé ) ou encore d'Australie et des Etats-Unis. De même les marchés changent dans la mesure où ils sont plus concentrés ce qui provoque la faillite de nombreux artisan et indépendant confronté à l'essor des grandes entreprises et de la grande distribution.
De même, dan les années 1970, les innovations de procédé et la " robotisation " des activités ont contribue à l'effacement des ouvriers spécialisé et non qualifié en faisant effectuer leur travail par des machines moins coûteuses et revendicatrices.
Ainsi, la théorie du déversement qui s'appliquait parfaitement au boom du secteur tertiaire permet aussi de théoriser le déclin du secteur primaire puis du secteur secondaire ( c'est le processus de destruction créatrice de Schumpeter ). En effet, la relative inélasticité des produits de ces secteurs ajoutés aux gains de productivité élevés a entraîné une baisse des effectifs.

Ensuite, les innovations et les gains de productivité obtenus ont toujours été combattu depuis le XIXème siècle au nom de la survie des emplois par les mouvements ouvriers et les travailleurs " les mains favorisées " afin d'empêcher le remplacement de l'homme par la machine, de s'opposer à la précarisation du marché du travail, ce qui est renforcé par les théories développées par des auteurs très pessimistes.
Alfred Sauvy, dans la machine et le chômage, montre que les hommes ont toujours été , majoritairement, inquiets quant au développement de nouveaux procédé de production qui, surtout à court terme, ont substitué la machine à l'ouvrier. Ainsi, après l'invention de sa navette volante, John Key voit sa maison saccagée et incendiée. De même, au début du XIXème siècle en Angleterre, le mouvement des Luddites vise à s'opposer à l'apparition des machines dans les manufactures. D'un point de vue plus économique, cela s'explique par le fait que la hausse de la production n'est pas immédiate avec l'apparition des gains de productivité et des nouvelles machines d'où la nécessité de diminuer le personnel.
De plus, l'apparition de nouvelle technologie et de nouveaux procédés de production va entraîner des inégalités entre eux qui seront apte ou pas à les utiliser. C'est pourquoi, avec le système technique de la troisième Révolution Industrielle, impulsée par les progrès informatiques, s'est produit une scission sur le marché du travail avec le marché secondaire qui regroupe les travailleurs non qualifiés, employés a temps partiel, et plus fragiles faces au chômage et le marché primaire qui regroupe ceux qui maîtrisent les nouveaux outils et qui sont pratiquement assurés de conservés leurs emplois. Ainsi , aux Etats-Unis, la croissance des Dix Glorieuses a provoqué un effacement des classes moyennes et un fossé qui sépare les plus riches, des plus défavorisés, les Working poors, qui pourtant possèdent un ou deux emplois.
Même si elles sont marginales, les positions de Jeremy Rifkin, dans la fin du travail, ont inquiété puisqu'il reprend la théorie du déversement pour montrer qu'après s'être déplacé du secteur primaire vers le secondaire, puis du secondaire vers le tertiaire, le progrès technique et donc les innovations provoqueraient un déplacement du tertiaire vers le " néant " d'où une disparition totale de l'emploi.

Cependant, en remotivant et en poussant à l'innovation comme le montre Schumpeter dans sa théorie des cycles, les inégalités et les effets pervers de l'innovation sur l'emploi ont favorisé la relation inverse : la " faiblesse de l'emploi " stimule l'innovation
Pour François Perroux, ce n'est pas l'investissement qui pousse à l'innovation mais les inégalités? Ainsi, la première Révolution Industrielle peut servir d'exemple puisque ce sont des petits ouvriers ou artisans qui vont devenir les premiers entrepreneurs- innovateurs poussés par le besoin de survivre et motivés par le fait que les besoins en capital frais n'étaient pas élevés et donc l'ouvrier pouvait innover lui-même. Cet esprit initiative est d'ailleurs souligné par l'Anglais Smilles dans un Best seller de 1859, Self help, pou qui la grandeur d'une nation se mesure à l'esprit de motivation de l'ensemble de la population.
Enfin, Schumpeter montre dans sa théorie des cycles, que les innovations se situent toujours à la fin d'une phase B ( de récession ). Il s'appuie, comme pour Perroux, sur la motivation de la population afin de retrouver une phase d'expansion mais insiste aussi sur la théorie du cycle de produit de Verdon : un produit, après avoir connu une pleine maturité et une diffusion à l'ensemble de la population, connaît un ralentissement puis est déposé par un autre produit qui va lui succéder et donc l'emploi persiste mais change de secteur d'activité en impulsant de nouvelles branches

L'innovation et le progrès technique ont aussi eu des effets pervers sur l'emploi mais ce sont des effets de court terme, sauf pour " les plus défavorisés ", qui permettent de relancer la dynamique.


Si les effets négatifs de l'innovation sur l'emploi ne sont pas si négligeables, force est de constater qu'à long terme l'emploi " l'emporte "( les actifs n'ont jamais été aussi nombreux ) et d'ailleurs les inégalités qui en sont issues contribuent à la dynamique économique et à la relance d'un nouveau système technique en cas de crise.
Ainsi, ne faudrait-il pas voir le système é économique actuel comme dépendant des inégalités dans sa dynamique et donc considérer que dans le futur toute politique sociale serait un frein à une nouvelle révolution industrielle ?