Les accords d'intégration régionale favorisent-ils la croissance économique?

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 34 - Montpellier - Lycée Notre-Dame de la Merci

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Commentaire du professeur : Ensemble globalement satisfaisant, compte tenu de sa contruction et de sa relative richesse de connaissances. Certains éléments doivent néammoins être travaillés et améliorés: en dépit du volume rédigé, les références théoriques et historiques appropriées restent en effet insuffisantes, alors même que vous consacrez des développements excessifs (compte tenu du sujet) à certains points ou thèmes. Attention aussi à la pertinence de certains exemples, et à la persistance de certaines maladresses dans la rédaction


Untitled Document Après la seconde guerre mondiale, on institue le GATT. Cette institution a pour but de promouvoir le libre échange, conformément à la vision libérale de commerce international. On met alors en place des négociations commerciales (Tokyo Round, Uruguay Round), et on instaure une clause fondamentale : la clause de la nation la plus favorisée. Celle-ci stipule que tout accord préférentiel doit être appliqué aux autres pays. Mais, à partir des années 1990, on assiste à une floraison d'accords d'intégration régionale. Ainsi l'Alena est crée en 1991., le Mercosur en 1992, et en 1993 se concrétise l'idée du Marché Commun Européen. Ces accords d'intégration régionale existent sur plusieurs degrés. Ainsi Balassa en a-t-il fait une typologie allant de la simple zone de libre échange (suppression des barrières douanières entre les pays membres) à l'Union économique et monétaire (mise en place d'un tarif extérieur commun, libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux dans la zone et coordination des politiques économiques et monétaires).
Il s'agit ici de se demander si ces accords d'intégration régionale, contraires au principe de libre échange du GATT, sont réellement des sources de croissance (et si oui, en fonction de quel type de zone et pour qui), ou si au contraire, elles peuvent être néfastes pour les économies nationales ou régionales.
Nous allons donc voir dans un premier temps que les accords d'intégration régionale peuvent freiner la croissance économique (car faussent le jeu du libre échange mondial et peuvent rendre la croissance intrazone inégalitaire), s'ils constituent un obstacle au libre échange, et s'ils sont érigés dans une optique protectionniste. Dans un deuxième temps, nous verrons en quoi les accords régionaux, s'ils sont précurseurs du libre échange international, peuvent encourager la croissance économique.

Alors que les théories classiques du commerce international prônaient l'ouverture internationale et le libre échange, on assiste, deux siècles plus tard, à une sorte de " sélection " de l'échange, en fonction de zones d'échange établies de droit et non pas de fait. Cela ne risque-t-il pas de nuire à l'économie mondiale, en faussant le jeu du libre échange ,et en créant, à l'intérieur des zones des inégalités d'opportunités de croissance ?
Avec la régionalisation des économies, il y a "détournement de l'échange naturel ". Cette idée de détournement a été énoncée par Jacob Viner dans son modèle. Il signifie par cette expression que la régionalisation " détourne " un échange qui devrait bénéficier à un pays tiers vers un membre de la zone. Supposons qu'avant l'institution d'une union douanière en Europe, le prix mondial de tomates était de 3 francs le kilo (plus 1.5 francs de droits de douane). Alors, à la recherche du produit le plus avantageux, la France importerait des tomates au prix mondial. Mais après l'union douanière, les droits de douane étant abolis entre la France et la Grèce, il est plus avantageux d'importer de Grèce, où le prix du kilo est à 4 francs. La baisse du prix de 50 centimes accroît la satisfaction du consommateur français et tend à faire augmenter la demande. Or selon la loi des rendements décroissants, le coût, donc le prix des tomates grecques tendra à augmenter (supposons que l'on passe à un prix de 4.5 francs), alors que le prix mondial, souffrant de la baisse de la demande, tendra à baisser (pour rejoindre 2.5 francs plus 1.5 francs de douane). Il y aura alors détournement de commerce car la France importera des produits grecs, pourtant plus chers que, au détriment du pays extérieur à la zone qui pourtant propose un prix plus bas. Cette analyse peut expliquer la crainte des pays du Tiers-monde de l'élargissement à l'Est de l'Union européenne. En effet, les pays d'Europe centrale et orientale, spécialisés dans les productions à forte intensité en travail peu qualifié risquerait de détourner le commerce entre l'Union européenne et les PED à leur profit, en entrant dans l'union.
D'autre part, Paul Krugman a énoncé la théorie des zones naturelles (zones à l'intérieur desquelles, sans barrières à l'échange ou accords préférentiels, les échanges seraient plus intenses qu'à l'extérieur de la zone). Il constate une inertie des échanges géographiquement, économiquement et culturellement (effet d'agglomération). Or ces zones que l'on pourrait qualifier " de fait ", sont contrariées par la mise en place de " zones de droit ". Ainsi ,l'Alena, constituée des Etats-Unis, du Canada et du Mexique, entrave peut être la croissance économique du Mexique, qui aurait plutôt tendance à constituer une zone naturelle avec les pays d'Amérique latine géographiquement et culturellement proches. Son alliance avec des pays développés le confine dans un commerce de " dernier rang ", en l'occurrence la production de biens à faible intensité en travail qualifié, alors que l'entrée dans la zone naturelle lui aurait peut être permis, grâce à l'accroissement de la taille des marchés dans une zone, de faire évoluer sa spécialisation pour la rendre plus dotée d'intensité capitalistique et de travail qualifié, et ainsi d'augmenter son taux de croissance.
On a vu que la régionalisation pouvait entraver la croissance des pays non membres. Mais la croissance des pays peut même être entravée à l'intérieur de la zone. Ainsi, la régionalisation, si l'on prend en compte le troisième type de zone de la typologie de Balassa, c'est à dire le marché commun, implique une libre circulation des hommes, marchandises et capitaux. Les nations se retrouvent alors en concurrence sur un même marché (le commerce intrabranche se développant de plus en plus). Or, si l'on considère, comme les nouvelles théories du commerce international, que les rendements sont croissants, alors une entreprise étrangère, mais appartenant à la zone, si elle est au départ très compétitive, risque d'obtenir une situation de monopole dans l'autre pays et détruire ainsi la production de ce pays. Cette analyse peut être explicitée par la situation analogue qui s'est produit en France après 1993.Après la création du marché commun, l'Espagne, plus compétitive dans la production de sucettes, et plus innovatrice (satisfait le souhait de diversité du produit du consommateur) en inventant la sucette " boule ", a pu aisément inonder le marché français. On trouve actuellement 90% de sucettes espagnoles " chupa chups " dans les étalages français, alors que la marque " Pierrot ", en quasi monopole dans les années 1970-80, n'est pratiquement plus représentée.
D'autre part, la croissance inégalitaire entre pays de la zone est également observable en " micro-zones "de l'Union, c'est à dire entre regroupements de pays à l'intérieur de la zone. On peut expliquer ces regroupement par la théories des zones naturelles (les similitudes économiques et culturelles renforcent les liens). Du fait, à l'intérieur même de la zone, les échanges sont orientés, et les pays quoique membres de la zone, qui sont exclut de ce groupe de préférence, ne voient pas leurs échanges, donc leur croissance croître au même rythme que les autres. Ainsi, au sein de l'union européenne, le commerce est plus intense entre les six pays " fondateurs ", qu'entre ceux-ci et la Grèce ou le Portugal. De la même façon, au sein de l'OPEP, qui n'est qu'une organisation, on constate que le Nigeria, écarté géographiquement et culturellement des pays d'Arabie Saoudite, prend moins part aux négociations et conserve une production de pétrole relativement basse, alors qu'elle possède de nombreuses ressources en pétrole. Dans l'Union Européenne, les critères de convergence nominale peuvent parfois constituer un obstacle à la croissance des pays les moins développées.

Si la régionalisation peut entraver la croissance économique des pays, elle contribue pourtant à accroître les taux de croissance, par les effets de création de richesse.

Les théories du commerce international permettent de comprendre pourquoi les accords d'intégration régionale peuvent être source de croissance économique pour les membres de la zone, et nous verrons dans un deuxième temps que les pays non membres peuvent également bénéficier de retombées positives sur leurs économies.
Selon la théorie des avantages comparatifs de Ricardo, plus les avantages comparatifs sont marqués, plus la spécialisation est efficace et génératrice de profit. Ceci est d'autant plus vrai que les structures de production sont proches. Or, ce sont des pays économiquement proches qui se "régionalisent ". Ainsi, l'échange, à travers la spécialisation est beaucoup plus profitable dans une zone qu'entre pays n'appartenant pas à une même zone.
Mais l'échange ne se réduit pas à l'échange de marchandises. Les investissements directs (ID) internationaux font aujourd'hui partie intégrante du commerce mondial ; et la régionalisation favorise les investissements directs de deux points de vue. Un pays membre multipliera ses ID vers une zone, ayant confiance en la stabilité de celle ci. Ainsi la France a fait passer ses ID vers l'Union Européenne de 20% des ID totaux en 1985 à prés de 50% en 1997. Mais les investissements extérieurs sont également attirés par la zone. Ainsi le Japon a fait passer ses ID vers la zone Alena de 25% de ses ID totaux en 1982 à 42% en 1997. Cet attrait pour les zones régionales est dû à l'accroissement de la taille du marché impliqué.
Enfin, la régionalisation permet de développer le commerce intrabranche et d'accroître la diversité des produits présents sur le marché, donc la satisfaction du consommateur et, à priori, une hausse de la demande. La régionalisation, par l'effet de concentration, permet également la réduction des coûts fixes . En effet, la fusion de deux centres de recherche nationaux en un centre régional permet de diviser les coûts fixes par deux , tout en accroissant la productivité du facteur travail, la concurrence sur la qualification jouant d'autant plus. D'une façon plus générale, les effets de concurrence sur tous les marchés intégrés permettent une augmentation de l'effort d'innovation (source de croissance économique par le biais du progrès technique), une réduction des coûts de production, et une amélioration de la qualité. Tous ces facteurs de satisfaction pour les consommateurs tendent à faire augmenter la demande, doc la production, donc le taux de croissance.
Mais les pays non membres de la zone peuvent aussi parfois profiter des retombées de la croissance économique de la zone.
Ainsi les économies d'échelle réalisées par la zone se traduisent par une baisse des coûts, donc par une baisse du prix des exportations vers l'extérieur. Les pays-tiers bénéficiant de cette baisse des prix, pourront réallouer leurs capitaux à des efforts de recherche-développement, ou répercuter la baisse des prix de la zone sur leur marchés, et ainsi accroître le pouvoir d'achat des consommateurs.
De la même façon, les économies d'échelle réalisées par les pays membres de la zone permettent aux entreprises d'augmenter les salaires, donc la demande d'importation adressée notamment aux pays non membres. L'augmentation de la production de ceux ci se traduit par une hausse du taux de croissance.
Enfin, les firmes étrangères qui investissent ou s'implantent dans la zone bénéficient des mêmes avantages commerciaux que les firmes de la zone. Ainsi Toyota a implanté une usine en France et peut ainsi avoir accès à tout les marchés automobiles de l4union européenne, sans avoir à payer de droits de douane. Les rentes par contre, seront rapatriées dans le pays d'origine qui verra ainsi son taux de croissance augmenter.


Cette étude nous a montré que selon les hypothèses appréhendées, les accords d'intégration régionale pouvaient soit être facteurs de croissance pour les pays membres ou non membres de la zone, soit au contraire gêner la croissance économique des pays tiers ou de certains pays membres . Mais il faudrait encore étudier d'autres facteurs favorables à la création de richesse, tels que la protection initiale élevée, ou une forte intégration initiale. Et malgré ces études complémentaires, il faudrait différencier les études pour chaque types de zone (typologie de Balassa), et pour chaque caractéristique (culturelle, de la production régionale) des zones. En fin de compte, une analyse empirique conduit à des résultats incertains. La preuve en est qu'aujourd'hui on assiste encore à un affrontement politique entre multilatéralisme et régionalisation. On ne peut conclure qu'en disant que la régionalisation, si elle est précurseur du libre échange, peut, avoir des retombées positives sur la croissance mondiale. Et peut-on imaginer la formation d'autres blocs de telle sorte que le libre échange ne s'effectue plus entre pays, mais entre zones régionales ?